- Comparaison du trafic illicite de migrants et de la traite des personnes
- Différences et points communs
- Vulnérabilité et continuum entre le trafic illicite et la traite des personnes
- Quand la théorie rencontre la pratique : trafic illicite de migrants ou traite des personnes ?
La version en anglais a été publiée en 2019.
La version en français a été publiée en 2021
Ce module est une ressource pour les enseignants
Autres exemples
La jurisprudence ci-après illustre les difficultés d'interprétation et d'application des lois sur le trafic illicite de migrants et la traite des personnes et les conséquences éventuelles de l'option pour une infraction ou l'autre :
Encadré 10
Appel Nº 15-80270Les défendeurs A. et Z. (un couple) ont aidé à l'entrée et au séjour irrégulier de deux femmes étrangères en France. Lors d'un voyage au Sénégal, A. a recruté Y. (sa cousine) pour aller en France, s'occuper de la maison et de ses trois enfants. A. a donné instruction à Y. de se procurer un faux passeport pour entrer en France. Elle a ensuite saisi les véritables documents d'identité de Y. Y. travaillait pour le couple de défendeurs pour 150 euros par mois, que A. transférait automatiquement à la tante de Y au Sénégal. Y. n'a jamais perçu de rémunération pour son travail. Les accusés n'ont pas fait les déclarations nécessaires à la sécurité sociale. Y. dormait et mangeait chez l'accusé. Avec l'appui d'un compatriote, Y. s'est adressée au Comité contre l'Esclavage Moderne et a reçu son soutien. Profitant de l'absence de A. lors d'un de ses voyages au Sénégal, Y. s'est échappée de la résidence des accusés. Elle a porté plainte à la police en Août 2009. En Octobre 2009, le Comité contre l'Esclavage Moderne a informé la police qu'une autre femme (X.) vivait dans la résidence de A. et Z. dans des conditions similaires à celles que connaissait Y. X. et Y. se sont constituées parties civiles dans les poursuites contre les défendeurs. Elles ont demandé réparation pour les dommages et les préjudices subis. La Cour d'appel de Cayenne (France) a condamné les défendeurs pour "assistance aggravée à l'entrée, au transit ou au séjour irrégulier d'un étranger en France" ainsi que pour travail dissimulé et emploi de travailleurs sans permis de travail. Elle a ainsi condamné les défendeurs au paiement de 3 000 euros d'indemnisation à X. et 9 000 euros d'indemnisation à Y. Les parties civiles ont fait appel de la qualification juridique des faits et du montant de l'indemnisation. En appel, la Cour de Cassation a confirmé la décision pour les motifs suivants :
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Encadré 11
Résolution 658/2015Quatre femmes thaïlandaises (A., As. C. et D.) se sont adressées à un groupe de personnes en Thaïlande dans le but de recevoir de l'aide pour entrer illégalement en Espagne. Ce groupe de personnes a fourni aux femmes des visas, des billets d'avion, des réservations d'hôtel et de l'argent liquide - entre 100 et 200 euros - afin que, dans le cadre des procédures de contrôle aux frontières, elles puissent donner l'apparence de solvabilité pour la période où elles devaient rester en Espagne. Les femmes thaïlandaises se sont donc endettées sur des montants allant de 15 000 à 17 000 euros pour les frais de voyage et les documents. Elles étaient censées payer avec le produit de leur travail en Espagne. Deux des femmes (A. et As.) s'étaient rendues en Espagne avec l'intention de travailler comme prostituées. La troisième (C.) - alors qu'on lui avait offert un emploi de masseuse - a accepté de travailler dans la prostitution à son arrivée en Espagne. Enfin, la quatrième femme (D.) était censée travailler comme serveuse. Elle ne s'est jamais livrée à la prostitution, notamment parce que le lendemain de son arrivée en Espagne s'est produite l'opération de police qui a étayé cette affaire. A. est arrivée à l'aéroport de Madrid-Barajas (Espagne) le 17 septembre 2009. Elle a été recueillie par la Défenderesse 2 (partenaire de vie d'une des personnes que les quatre femmes thaïlandaises avaient approchées en Thaïlande afin de recevoir de l'aide pour entrer illégalement en Espagne) et avec qui elle avait un enfant. As. est arrivée au même aéroport le 18 septembre, après avoir été récupérée par les Défendeurs 2 et 3. Les accusés 2 et 3 ont immédiatement transporté les deux femmes, dans une camionnette, au Club "La Bohème", à environ 234 km de Madrid, près de Burgos, où elles se sont installées. C. est arrivée à l'aéroport de Barcelone (Espagne) le 29 octobre 2009. Elle a été récupérée par le Défendeur 1. Ce dernier a accompagné la migrante en situation irrégulière à la gare routière et lui a acheté un billet pour Burgos. À son arrivée, C. a été recueilli par les Défendeurs 2 et 6. D. est arrivée à l'aéroport de Madrid- Barajas le 10 novembre 2009. Elle a été récupérée par le Défendeur 1. La même procédure de suivi que celle adoptée pour C. a été engagée. C. et D. ont également été immédiatement logés dans le Club “La Bohème”. A., As., et C. ont commencé à se prostituer à "La Bohème" le lendemain de leur arrivée. Le Club conservait 50 % du prix des boissons auxquelles les clients les invitaient. Lorsque les clients souhaitaient avoir des relations sexuelles, le Défendeur 5 leur facturait 5 euros pour un paquet composé d'un drap de lit, d'une serviette et d'un préservatif. Le prix de la chambre et des services sexuels s'élevait à 50 euros. Ces honoraires étaient utilisés pour le paiement de la dette des femmes envers les défendeurs. Il est important de noter que les femmes devaient payer 50 euros par jour pour le logement et l'entretien à " La Bohème ". "La Bohème" était administrée par le défendeur 4. Ce dernier était l'administrateur d'une société dédiée à la création et au développement, entre autres, d'hôtels, de bars, de centres de loisirs. Il était régulièrement présent à "La Bohème". La défenderesse 2 était également cuisinière dans cet établissement, tandis que le défendeur 6 y travaillait à la fois comme serveur et comme gardien. La défenderesse 3 était une employée de "La Bohème", travaillant comme chauffeur et à l'entretien de l'établissement. La Défenderesse 5 travaillait comme réceptionniste dans la section de "La Bohème" où les quatre femmes thaïlandaises vivaient et se prostituaient. C'est donc elle qui recevait habituellement les paiements des clients pour les services fournis par les femmes thaïlandaises. Tous les défendeurs savaient parfaitement que les femmes Thaïlandaises (i) étaient entrées illégalement en Espagne, (ii) avaient contracté des dettes considérables en conséquence. Tous les défendeurs ont bénéficié de la permanence des femmes dans l'établissement ainsi que des activités de prostitution qu'elles exerçaient. Il n'a pas été établi que les ressortissantes thaïlandaises se livraient aux activités de prostitution par la force, la coercition, la tromperie, la menace ou l'abus d'une position vulnérable. Les femmes thaïlandaises ont toujours déclaré s'être consacrées volontairement à ces activités. En effet, il a été établi que les femmes pouvaient se déplacer librement, quitter "La Bohème" seules ou en compagnie d'autres personnes, avoir leur passeport et leur téléphone portable qu'elles auraient pu utiliser pour demander de l'aide si elles le souhaitaient. De même, il n'a pas été établi que les femmes thaïlandaises étaient soumises à des conditions d'exploitation (par exemple, pas de jours de congé, pas d'autorisation d'abandonner la prostitution, horaires de travail excessifs) qui constitueraient une violation des droits des travailleurs. Le 11 Novembre 2009, l'Ambassade de Thaïlande en Espagne a reçu un appel téléphonique au cours duquel il a été allégué que six femmes étaient détenues dans un certain lieu et forcées à se prostituer. Deux d'entre elles ont réussi à s'échapper et ont demandé l'aide de l'Ambassade de Thaïlande. Le Consul de Thaïlande s'est adressé à la Police de Burgos (Espagne) pour demander une enquête. Le même jour, les forces de l'ordre ont fouillé " La Bohème ", identifié et conduit au poste de police sept femmes thaïlandaises, dont A., As., C. et D. Après l'interrogatoire initial (devant les autorités policières et judiciaires compétentes), les femmes ont été rapatriées en Thaïlande. Le Ministère Public a inculpé les défendeurs pour (i) trafic de migrants aggravé, (ii) prostitution forcée. Le Défendeur 4 a en outre été inculpé de crimes contre les droits des travailleurs. L’Audiencia Provincial de Burgos a condamné les défendeurs pour trafic illicite aggravé de migrants (du fait de leur intention d'obtenir un avantage financier ou autre avantage matériel). Elle a condamné chacun des défendeurs à six ans d'emprisonnement. Tous les défendeurs ont été acquittés de prostitution forcée. Le Défendeur 4 a en outre été acquitté des crimes contre les droits des travailleurs. La Cour Suprême n'a accueilli l'appel qu'en ce qui concerne le montant de la peine, l'ayant considérablement réduit. Plus précisément, elle a noté :
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Il convient de noter que les difficultés mises en évidence dans l'affaire ci-dessus peuvent naturellement se traduire par des difficultés d'enquête. Les organismes d'application de la loi et les procureurs peuvent, à leur discrétion, intenter des poursuites pour des infractions de trafic illicite ou de traite des personnes. Par exemple, alors que les autorités peuvent être convaincues qu'elles sont confrontées à une affaire de traite, l'absence de preuves concernant l'exploitation peut inciter les autorités à poursuivre une affaire de trafic illicite plus solide plutôt qu'une faible accusation en matière de traite des personnes.
Les exemples des Encadrés 10 et 11 pourraient également être utilisés par le conférencier pour effectuer des exercices en classe. Grâce à l'analyse des cas, les étudiants devraient identifier les défis potentiels ou les éléments de chevauchement qui pourraient rendre difficile la distinction entre trafic illicite et traite (comme dans l’Exercice 1). Le conférencier peut envisager dans un premier temps de s'abstenir de diffuser le raisonnement de la Cour, pour ne le faire qu'après une première discussion. Les résultats de l'évaluation des groupes devront ensuite être discutés avec le reste de la classe.
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