Ce module est une ressource pour les enseignants
Thème 5 : Évaluer les alternatives
Cette dernière partie du module vise à évaluer les principaux avantages et inconvénients des alternatives à l'emprisonnement. Il examine d'abord les avantages et les inconvénients des stratégies alternatives avant le procès puis évalue l'efficacité des peines appliquées dans la communauté par rapport au recours à l'emprisonnement. Cette dernière section examine également brièvement les groupes qui pourraient bénéficier le plus des alternatives à l'emprisonnement, tout en soulignant quelques exemples de bonnes pratiques dans différents pays.
Avantages et inconvénients des stratégies alternatives avant le procès
Quels sont les avantages et les inconvénients ? Comparés à la privation de liberté, les avantages primordiaux des stratégies et mesures de substitution avant le procès sont les suivants :
respecter les droits humains fondamentaux et le droit d'être présumé innocent ;
- éviter le recours inutile à l'emprisonnement ;
- prévenir les mauvais traitements en détention ;
- réduire le surpeuplement dans les prisons ;
- réduire les coûts de la justice pénale ;
- encourager l'accès à des interventions appropriées et adaptées ;
- réduire le risque de stigmatisation, d'isolement social et d'exclusion de la famille, des amis et des communautés en conséquence de la détention provisoire ;
- protéger les individus, les familles et les communautés des conséquences néfastes de l'emprisonnement (adapté de Stefani et al., 2014 ; Inter-American Commission on Human Rights, 2017b).
On a cependant reproché aux alternatives d’avant-procès d’être indûment indulgentes et/ou mal évaluées, d’accroître le contrôle social sur les personnes mises en cause, d’élargir le filet du système de justice pénale et d’entraîner des coûts administratifs et financiers supplémentaires pour assurer le suivi des mesures prises (voir par exemple : Gottheil, 1979).
Efficacité des sanctions dans la communauté
Compte tenu de la multiplicité des buts et objectifs des peines exécutées dans la communauté, ainsi que des différentes raisons pour imposer une peine, il peut s'avérer difficile d'établir l'efficacité des peines exécutées dans la communauté. Les peines appliquées dans la communauté devraient-elles être évaluées en fonction de la mesure dans laquelle elles offrent une alternative à l'emprisonnement ? Devrions-nous effectuer une analyse coûts-avantages et comparer le coût financier de l’imposition de sanctions pécuniaires à celui d’une peine de prison ? Ou devrions-nous évaluer dans quelle mesure les délinquants sont réinsérés par des mesures alternatives et s’ils sont ou non reconnus coupables d'autres infractions ?
Il est difficile de déterminer dans quelle mesure les peines exécutées dans la communauté constituent une mesure alternative à la prison. Des données limitées sont disponibles au niveau mondial, mais certaines études récentes révèlent que les populations carcérales ont continué à augmenter en dépit de l'augmentation de l'utilisation et du développement de mesures alternatives. Cela a été démontré dans les pays européens et aux États-Unis, où l'on observe une tendance à la « surveillance de masse » des délinquants, ainsi qu’à « l'incarcération de masse », ce qui suggère que les sanctions exécutées dans la communauté « servent de suppléments plutôt que d'alternatives à l'incarcération » (Columbia University Justice Lab, 2018, p.2; voir aussi McNeill, 2018a ; McNeill 2018b ; McNeill et Beyens, 2016).
Comme indiqué plus haut, l’enthousiasme à adopter des sanctions appliquées dans la communauté peut poser le problème de l’élargissement du « filet pénal », les sanctions étant imposées en plus de l’emprisonnement plutôt qu’au lieu de l’emprisonnement (pour une discussion critique sur l’expansion du contrôle social et l’élargissement du filet pénal, voir Cohen, 1985). Par exemple, l'introduction de l'amende fiscale en Écosse dans les années 80 a été mise en place comme mécanisme de déjudiciarisation pour réduire le nombre de poursuites pénales (voir Croall et al., 2012). En Ecosse, les procureurs ont pu offrir aux contrevenants présumés la possibilité d'éviter des poursuites judiciaires en payant une sanction financière immédiate. Dans une étude sur l'introduction de l'amende fiscale en Écosse, cependant, Duff (1993, p. 491) a constaté que la plupart des délinquants qui avaient reçu une amende « auraient auparavant vu leur cas réglé par un « non pro » [pas de poursuites] ou une lettre d’avertissement », et qu’un « élargissement considérable du filet pénal » était en cours.
Un autre problème potentiel est l’élargissement du filet pénal de la « porte dérobée » par lequel les mesures non privatives de liberté servent également de porte dérobée à l’incarcération. Aux États-Unis, par exemple, les délinquants dans la communauté qui violent ou ne respectent pas les termes de leur peine à purger en communauté sont souvent envoyés en prison sans avoir commis de nouvelle infraction (O’Hear, 2017). De même, dans plusieurs pays, les détenus libérés qui ne respectent pas les conditions de libération conditionnelle peuvent être renvoyés en prison pour une violation technique ou un manquement, sans commettre une nouvelle infraction (voir par exemple : Padfield, 2005 ; Prison Reform Trust, 2018 ; van Zyl Smit et Appleton, 2019). À cet égard, les Règles de Tokyo indiquent que « l’échec d'une mesure non privative de liberté ne doit pas aboutir automatiquement à une mesure d’incarcération » (1990, Règle 14.3). Des efforts devraient plutôt être faits pour « trouver une solution adéquate de remplacement », et l'emprisonnement ne devrait être imposé « qu'en l'absence d'autres mesures appropriées » (1990, Règle 14.4).
Le développement des peines appliquées dans la communauté a souvent été justifié par des arguments fondés sur le rapport coût-efficacité. Pendant de nombreuses années, il a été soutenu que les sanctions exécutées dans la communauté coûtaient moins cher que l'emprisonnement (McNeill, 2013). Cependant, la création d'alternatives à l'emprisonnement nécessite clairement de nouvelles ressources. Il est important de noter que des programmes de traitement bien financés et bien gérés peuvent donner des résultats positifs, contrairement aux programmes mal financés et mal gérés (Tonry, 2017). Comme indiqué dans le Manuel des principes fondamentaux et pratiques prometteuses sur les alternatives à l'emprisonnement (ONUDC, 2008a, p. 82) : « Pour appliquer des peines communautaires et des alternatives reposant sur un traitement, il est particulièrement important que les autorités s’assurent que l’infrastructure nécessaire est en place et réservent les ressources requises, non seulement pour sa mise en service, mais aussi pour son fonctionnement continu. » Sans fonds suffisants, les communautés risquent de connaître des taux d'échec élevés, une victimisation accrue et une augmentation des coûts.
L’efficacité des sanctions alternatives est souvent mesurée en termes de taux de récidive, bien qu’il soit établi que cette mesure comporte des lacunes. Une comparaison de 2012 des taux de récidive dans plusieurs pays a révélé que, dans tous les pays, les taux de récidive étaient plus élevés pour les personnes qui sortent de prison que pour celles qui purgent une peine dans la communauté, et qu’« un engagement pour éviter, dans la mesure du possible, des niveaux plus élevés de répression et de sanction permet d’éviter de plonger les individus plus profondément dans un système qui crée une prophétie auto-réalisatrice de participation ultérieure au système » (Centre écossais pour la criminalité et la justice, 2012, p. 43). En outre, des recherches évaluant des programmes de traitement particuliers ont vu le jour ces dernières années. Dans le cadre général de « What Works ? » (voir en particulier McGuire, 1995 ; 2013), il existe maintenant un grand nombre de preuves suggérant qu’« en fonction des circonstances, de nombreux types de programmes peuvent améliorer le capital humain des participants et réduire leur récidive » (Tonry, 2017, p.197). Il reste cependant beaucoup à faire pour comprendre pourquoi les individus renoncent à la criminalité, avec qui et dans quelles circonstances. De plus, des chercheurs ont également souligné la nécessité de ne plus se focaliser sur les programmes de traitement mais d’examiner l’efficacité des différentes sanctions elles-mêmes, ainsi que le processus de renonciation à la criminalité (voir notamment McNeill et al., 2010 ; McNeill et Whyte, 2007 et McNeill, 2013).
Pour que les alternatives à l'emprisonnement réduisent efficacement la population carcérale, les chercheurs ont mis en évidence certaines exigences sous-jacentes à satisfaire :
- Les alternatives à l'emprisonnement devraient être un véritable substitut, pas simplement une activité correspondante ou supplémentaire ;
- Les alternatives à l'emprisonnement devraient bénéficier d'un soutien financier et d'une infrastructure administrative, ainsi que d'un personnel qualifié ;
- Les solutions autres que l'emprisonnement devraient s'inscrire dans un cadre législatif cohérent comprenant l'application de la loi, la prévention du crime, la sécurité publique, des sanctions et mesures individualisées et la réinsertion sociale des délinquants ;
- Les alternatives à l'emprisonnement requièrent le soutien non seulement des hommes et femmes politiques et des professionnels de la justice pénale, mais également des juges, des procureurs et du grand public ;
- Les alternatives à l'emprisonnement devraient être placées dans le contexte plus large des politiques sociales et de santé, en tenant dûment compte des délinquants, de leur réinsertion sociale et des victimes, de leurs besoins et de leurs droits (adapté de De Vos et al., 2014, p. 30).
Catégories spéciales de délinquants
Au cours des dernières années, la communauté internationale a attiré l'attention sur certaines catégories de délinquants susceptibles d'être particulièrement exposés aux conséquences néfastes de l'emprisonnement, à savoir les enfants, les personnes atteintes de maladies mentales, les auteurs d'infractions liées à la drogue et les femmes (voir par exemple : Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l'administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing) (Nations Unies, 1985b), Principes directeurs de l'Assemblée générale des Nations Unies relatifs à la réduction de la demande de drogue (Nations Unies 2000), Principes des Nations Unies pour la protection des personnes atteintes de maladie mentale (Nations Unies, 1991) et les Règles des Nations Unies pour le traitement des femmes détenues et mesures non privatives de liberté pour les délinquantes (Règles de Bangkok) (Nations Unies, 2010). Nous examinons ici brièvement dans quelle mesure les alternatives à l’emprisonnement peuvent être plus efficaces que l’incarcération pour certaines catégories de délinquants.
Alternatives pour les enfants : l’article 37 (b) de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant précise que : « L’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit être en conformité avec la loi, n’être qu’une mesure de dernier ressort, et être d’une durée aussi brève que possible » (Nations Unies, 1989). L’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing) souligne comment cela peut être réalisé à différentes étapes du processus de justice pénale. Par exemple : la dépénalisation d'un comportement considéré comme délictueux/criminel lorsqu'il est commis par des adultes ; éloigner les enfants du système de justice pénal lorsque cela est dans l’intérêt supérieur de l’enfant ; fournir des alternatives communautaires avec le traitement et les services requis ; accorder la libération conditionnelle le plus tôt possible (Nations Unies, 1985b). Pour plus d'informations sur les supports nécessaires pour faciliter les alternatives à l’emprisonnement pour les enfants, voir le Module 13 de la série de modules universitaires E4J sur la prévention du crime et la justice pénale.
Alternatives pour les personnes atteintes de maladies mentales : les populations carcérales présentent un taux disproportionné d’individus souffrant de maladie(s) mentale(s), dont certaines peuvent exister avant leur admission et d’autres se développer pendant leur incarcération. Au cours des dernières décennies, il a été de plus en plus reconnu que les personnes atteintes de maladie(s) mentale(s) devraient rester dans leur communauté et que le système de justice pénale devrait avoir pour objectif de détourner les personnes atteintes de troubles mentaux du système pénitentiaire vers des soins plus efficaces et mieux adaptés au système de santé mentale. (Principes des Nations Unies pour la protection des personnes atteintes de maladie mentale, Nations Unies 1991).
Alternatives pour les délinquants atteints de troubles liés à l'usage de drogues : les personnes souffrant de troubles liés à l’usage de drogues représentent une proportion importante de la population carcérale dans de nombreux pays, beaucoup d'entre elles étant emprisonnées pour avoir consommé ou possédé des drogues pour leur consommation personnelle ou pour des délits de faible gravité, souvent en relation avec leurs troubles liés à l’usage de drogues. Les instruments internationaux l'ont reconnu et ont invité les États à s'attaquer plus efficacement aux problèmes de santé publique liés aux troubles dus à la consommation de drogues et à adopter une approche plus globale, humaine, efficace et multidisciplinaire. Un important rapport publié en 2018 par l'ONUDC et l'Organisation mondiale de la santé sur le traitement et les soins des personnes atteintes de troubles liés à l'usage de drogues en contact avec le système de justice pénale souligne que « les troubles liés à l'usage de drogues doivent être considérés comme des problèmes de santé et doivent être traités dans le cadre du système de santé »(ONUDC et OMS (UNODC & WHO), 2018, p.8). Le Document final de la session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies sur le problème mondial de la drogue tenue en 2016 recommande l'adoption de « politiques, pratiques et directives nationales prévoyant l’imposition de peines proportionnées à la gravité des infractions » (ONUDC, 2016c, p. 18). Ces dernières années, un certain nombre de pays a commencé à mettre en œuvre des mesures alternatives pour traiter plus efficacement les problèmes liés aux drogues. Celles-ci incluent, par exemple, la dépénalisation de la consommation de drogues et les stratégies de déjudiciarisation ; les tribunaux de traitement de la toxicomanie qui combinent le traitement et la réinsertion dans le cadre d’un processus supervisé par un ou une juge ; des mécanismes de probation ou d’autres mécanismes de supervision garantissant l'accès aux installations de traitement de la toxicomanie et le respect de celles-ci, ainsi que les alternatives à l'emprisonnement pour les infractions mineures liées à la drogue (voir ONUDC, 2008a ; Commission interaméricaine de lutte contre l'abus des drogues, 2015).
Alternatives pour les femmes : alors que les femmes constituent une minorité de la population carcérale dans le monde (7%), les taux de détention des femmes ont considérablement augmenté ces dernières années dans certains États, en partie à cause des lois de plus en plus sévères en matière de drogue (Penal Reform International, 2018). Il convient de noter que la plupart des femmes détenues ont « une première expérience en tant que délinquantes mises en causes pour des délits mineurs non violents, ne présentent aucun risque pour le public et ne devraient probablement pas être en prison du tout » (UNHRC, 2018, paragraphe 70 ; voir également UNODC, 2014). Les recherches confirment que les prisons sont des institutions hyper-masculinistes de punition et de contrôle qui sont mal placées pour répondre aux besoins des femmes détenues (voir par exemple : Bandypadhyay, 2006). Le besoin d'alternatives à l'emprisonnement pour les femmes a été identifié au niveau international (UNODC, 2014). L’article 60 des Règles de Bangkok dispose que :
« Des ressources appropriées doivent être mises à disposition afin de mettre en place pour les délinquantes des formules adaptées qui associent des mesures non privatives de liberté à des interventions visant à s’attaquer aux problèmes les plus courants qui conduisent les femmes à entrer en contact avec le système de justice pénale, telles que des séances de thérapie et de soutien psychologique pour les victimes de violence familiale et de violences sexuelles, un traitement adapté pour les personnes souffrant de troubles mentaux, et des programmes d’enseignement et de formation pour améliorer l’employabilité. Ces programmes doivent tenir compte de la nécessité d’assurer une prise en charge des enfants et des services réservés aux femmes ». (Nations Unies, 2010, Règle 60)
L’Union Africaine va plus loin en prévoyant une catégorie spéciale de femmes devant jouir d’une attention particulière. En effet, elle déclare que « Les États parties doivent veiller à ce que les peines non privatives de liberté soient toujours considérées en premier lieu pour les femmes enceintes et les mères d’enfants en bas âge, et doivent établir des alternatives à la détention à leur attention ». L’article 30(1)(f) de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant établit également que : « le système pénitentiaire aura essentiellement pour but la réforme, la réintégration de la mère au sein de sa famille et la réhabilitation sociale » (CAEDBE, 2013, p. 4).
Pour plus d'informations sur les besoins des femmes en contact avec le système de justice pénale, voir le Module 9 de la série de modules universitaires E4J sur la prévention du crime et la justice pénale.
Pratiques innovantes
Les exemples de mesures alternatives à l'emprisonnement mentionnés dans cette section visent à réduire le recours à l'emprisonnement et à promouvoir une approche fondée sur les droits de l'homme pour imposer et appliquer des peines et mesures alternatives. De nombreux autres exemples de différents pays pourraient être proposés. Les étudiantes et étudiants devraient être encouragés à explorer des initiatives dans leurs propres pays et régions, qui peuvent constituer une base de discussion en classe sur les pratiques innovantes.
Exemple 1 : améliorer et accroître l'utilisation des travaux d’intérêts général au Kenya
De graves problèmes de congestion et de surpeuplement des prisons au Kenya ont appelé à l'introduction et à l'expansion de solutions alternatives à l'emprisonnement. En 2014, Kenya Probation and Aftercare Service et Penal Reform International ont mis en œuvre un projet visant à interrompre le « cycle pauvreté-prison » en améliorant le recours aux travaux d’intérêt général (Penal Reform International, 2018, p.6). La pauvreté est fréquemment citée parmi les motifs d’infractions mineures commises au Kenya et représente un défi majeur pour le processus de réinsertion. Le projet visait à offrir des possibilités d’autonomisation économique aux anciens délinquants ayant terminé leur travail d’intérêt général. Travaillant en étroite collaboration avec les agents de probation, les délinquants se sont vu proposer une formation à la gestion d'entreprise, ainsi qu'une petite subvention d'investissement leur permettant de créer leur propre entreprise afin de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille et d'intercepter le cycle de la délinquance (Penal Reform International, 2018). Voir également l'initiative de l'ONUDC intitulée « Une seconde chance : Rapport sur les alternatives à l'emprisonnement et la réinsertion sociale des délinquants au Kenya », qui visait à aider « à prévenir la récidive criminelle et à réduire la surpopulation carcérale grâce à des programmes d'intégration sociale et des alternatives à l'emprisonnement ». (UNODC, 2013, p.vi).
Exemple 2 : tribunal de réintégration des femmes de la deuxième chance en Californie
Le tribunal de réinsertion des femmes du comté de Los Angeles est une alternative innovante au programme d'emprisonnement et à une initiative de soutien à la réinstallation destinée aux femmes en probation mises en examen pour une infraction et passibles d'une peine d'emprisonnement, ou aux femmes ayant quitté la prison et faisant l'objet de nouvelles mises en cause. Au lieu d'une peine d'emprisonnement, le programme vise à réduire la récidive et à soutenir la réintégration dans la communauté en offrant une approche multi-agences et en donnant accès à un large éventail de services de traitement intensif sensibles au genre, « comprenant le traitement de la toxicomanie, les services de santé mentale, logement, aide à l’emploi, conseils pour la réunification des enfants et conseils en matière de violence domestique » (Bloom, 2015, p. 18).
Exemple 3 : « Commissions de dissuasion » au Portugal qui dépénalisent la possession de drogue
En 2001, le Portugal a dépénalisé la possession personnelle de toutes les drogues. Bien que la possession de drogue ne soit plus une infraction pénale, il s’agit toujours d’une infraction administrative passible de diverses peines. La sanction spécifique à la possession de drogue est décidée par les « commissions de dissuasion », des comités régionaux composés de professionnels du droit, de la santé et du travail social. Bien qu'ils aient le pouvoir d'imposer des sanctions, y compris des sanctions exécutées dans la communauté et des amendes, le principal objectif de ces commissions est d'encourager les personnes dépendantes de la drogue à se soumettre volontairement à un traitement (mais elles sont rarement sanctionnées si elles choisissent de ne pas le faire). Dans l’ensemble, les données révèlent que la dépénalisation de la consommation personnelle de drogue et de sa possession, ainsi que le passage à une approche davantage centrée sur la santé, n’ont pas entraîné une augmentation significative du taux d’usage de drogues au Portugal, et qu’il n’existe « aucune relation entre le caractère punitif des lois d'un pays sur la drogue et de ses taux de consommation de drogue » (Murkin, 2014, p.2).
Exemple 4 : tribunaux spécialisés en santé mentale aux États-Unis
Des tribunaux spécialisés en santé mentale se sont développés à travers les États-Unis, avec le pouvoir de détourner du système de justice pénale les délinquants présentant de graves problèmes de santé mentale et de les orienter vers un traitement de santé mentale en milieu communautaire. Les personnes mises en cause participent volontairement à un traitement communautaire au lieu du traitement judiciaire traditionnel. La plupart des « tribunaux de la santé mentale » adoptent une approche multi-agences qui inclut une gestion intensive des affaires et un suivi judiciaire. Ils dépendent de partenariats de justice communautaire impliquant des prestataires de soins de santé mentale et de services sociaux, notamment des services de logement et d'emploi. Les principaux objectifs sont de réduire la récidive, d’améliorer l’accès aux services, d’améliorer le bien-être des personnes mises en cause et d’améliorer la sécurité de la collectivité. Le succès rapporté de ces tribunaux a conduit à leur développement ailleurs, notamment au Royaume-Uni, en Allemagne, au Canada et en Australie (pour un examen critique, voir Castellano et Anderson, 2013).
Exemple 5 : maisons de justice au Sénégal
En vue de rapprocher les justiciables du système judiciaire, le gouvernement sénégalais a institué des maisons de justice chargées d’organiser des procédures de médiation et de conciliation (Ministère de la justice, décret n° 2007-1253 du 23 octobre 2007) (Republique du Senegal, 2007). Ce système consiste à permettre aux parties d’un litige de recourir aux services d’un médiateur afin d’éviter les lourdeurs et lenteurs des tribunaux ainsi que le recours à la détention provisoire. Tout se déroule dans le cadre d’une médiation, dans un contexte extra-judiciaire. Les maisons de justice sont rattachées à un territoire circonscrit et sont mises en place à travers la signature d’une convention entre les autorités administratives du territoire et le Ministère de la Justice du Sénégal (voir par exemple l’arrêté ministériel n° 735 en date du 31 janvier 2008 portant création d’une Maison de Justice à Ziguinchor) (Republique du Senegal, 2008). Cet exemple rentre dans le cadre d’une approche de déjudiciarisation.
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