La version en anglais a été publiée en mai 2019; la version en français a été publiée en mars 2021.
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Responsabilité de l'État en matière de traite des personnes
Les Principes et directives concernant les droits de l'homme et la traite des êtres humains recommandés par le HCDH, au titre du Principe 2, affirment la responsabilité légale de l'État d'agir avec la diligence voulue pour prévenir, rechercher et poursuivre les cas de traite des personnes, ainsi que pour fournir assistance et protection aux victimes de la traite. L'attribution de la responsabilité aux États peut être complexe, en particulier lorsque l'infraction est commise par des acteurs privés plutôt que par l'État lui-même (ce qui est souvent le cas dans le contexte de la traite). Dans de tels cas, les États peuvent être tenus responsables de ne pas avoir agi avec la diligence voulue pour prévenir, rechercher ou poursuivre, plutôt que du fait même qui cause le dommage. Lorsque cet acte lui-même est imputable à l'État, il peut s'agir, par exemple, de la corruption de l'appareil judiciaire par la corruption ou de "l'implication directe d'agents publics dans la traite par la protection ou le parrainage de locaux commerciaux utilisant les services de victimes de la traite" (voir Gallagher 2010, chapitre quatre, pour d'autres exemples et explication détaillée de la responsabilité des États).
Encadré 19
Commentaire du HCDH sur les Principes et directives concernant les droits de l'homme et la traite des êtres humains recommandés
En vertu du principe de "diligence raisonnable", un État est tenu de faire preuve d'une certaine prudence pour prévenir les actes d'entités privées qui portent atteinte à des droits établis et y réagir, faute de quoi il invoquera la responsabilité de l'État s'il ne prévient pas un abus des droits humains par une personne ou une entité privée. De même, la responsabilité juridique sera engagée lorsque l'État ne remédie pas aux abus ou aux violations du droit international des droits de l'homme, non seulement parce que l'accès aux voies de recours est en soi un droit établi..., mais aussi parce que le fait pour l'État de ne pas prévoir de recours dans les cas d'ingérence non étatique dans les droits constitue une violation du principe de diligence raisonnable. En d'autres termes, il y a responsabilité lorsque l'État aurait pu améliorer la situation de la victime mais ne l'a pas fait (p. 77).
La responsabilité des États de prévenir les violations des obligations internationales a été examinée dans un certain nombre de décisions juridiques. L'arrêt Velásquez Rodríguez, rendu en 1988 par la Cour interaméricaine des droits de l'homme, portait sur la responsabilité des États pour les actes d'entités privées (voir aussi Obokata 2006, qui traite de la responsabilité des États).
Encadré 20
Velásquez Rodríguez (Cour interaméricaine des droits de l'homme)
"L'État a [en vertu de l'article premier de la Convention américaine] l'obligation légale de prendre des mesures raisonnables pour prévenir les violations des droits de l'homme et d'utiliser les moyens à sa disposition pour mener une enquête sérieuse sur les violations commises dans sa juridiction, identifier les responsables, imposer les sanctions appropriées et assurer à la victime une indemnisation adéquate" (paragraphe 174)
Dans l'affaire de Rantsev contre Chypre et la Russie, la Cour européenne des droits de l'homme a estimé qu'il incombait aux États de prendre les mesures appropriées pour éloigner les individus des situations où ils risquent d'être victimes de la traite. Dans cette affaire, la Cour a jugé que "pour qu'une obligation positive de prendre des mesures opérationnelles[telles que la protection] se concrétise dans les circonstances d'une affaire particulière, il doit être démontré que les autorités de l'État avaient connaissance, ou auraient dû avoir connaissance, de circonstances donnant à penser qu'une personne identifiée avait été, ou était exposée à un risque réel et immédiat de subir, une exploitation au sens du paragraphe a de l'article 3 du Protocole contre la traite des personnes" (paragraphe 286).
Encadré 21
Rantsev contre Chypre et la Russie (Cour européenne des droits de l'homme)
Dans l'affaire Rantsev contre Chypre et Russie, la Cour européenne des droits de l'homme a affirmé que si les autorités de l'État avaient connaissance, ou auraient dû avoir connaissance, d'un risque de traite, le fait de ne pas prendre les mesures appropriées dans le cadre de leurs pouvoirs pour éloigner la personne de cette situation ou risque constitue une violation de ses droits et, par conséquent, une violation des obligations positives qui incombent à l’Etat. La Cour a souligné la nécessité que ces enquêtes soient complètes et efficaces, couvrant tous les aspects des allégations de traite, du recrutement à l'exploitation. Elle a noté en outre que ces obligations positives s'appliquaient aux divers États susceptibles d'être impliqués dans la traite des êtres humains - États d'origine, États de transit et États de destination. La Cour a affirmé que les États sont tenus de "prendre les mesures nécessaires et disponibles pour obtenir les éléments de preuve pertinents, qu'ils se trouvent ou non sur le territoire de l'État d'instruction" et que "outre l'obligation de mener une enquête nationale sur les événements survenus sur leur propre territoire, les États membres sont également tenus, dans les affaires de traite transfrontalière, de coopérer efficacement avec les autorités compétentes des autres États concernés dans les enquêtes concernant les événements survenus en dehors de leur territoire".
Cette affaire judiciaire a été particulièrement importante pour clarifier le contenu de plusieurs obligations juridiques importantes, notamment l'obligation de prévenir l'exploitation liée à la traite et l'obligation d'enquêter avec la diligence voulue sur les affaires de traite.
Rantsev contre Chypre et la Russie (2010)
Section suivante : Identification des victimes
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