Ce module est une ressource pour les enseignants  

 

Thème n° 2 - Principaux mécanismes et acteurs de la responsabilité et du contrôle de la police

 

Cette section explique la façon dont les mécanismes de contrôle et de surveillance internes et externes contribuent à la responsabilité de la police en tenant compte du cadre conceptuel de l’ONUDC de « responsabilité avant, pendant et après l’acte ». Tout au long de cette section, les termes « contrôle ex ante, permanent, ex post » seront également utilisés pour refléter ces trois étapes de la responsabilité.

Dans certains cas, la nécessité de la mise en place d’un mécanisme de contrôle de la police est liée à l’histoire de l’Etat en question. Au Libéria, le National Defense Research Institute a conduit un projet de recherche de la société RAND visant à conseiller les gouvernements libérien et américain sur la transformation du secteur de la sécurité au Libéria. En effet, « étant donné les capacités de la Police Nationale Libérienne et sa complexité, sa manipulation passée par l'ancien président Charles Taylor, et un modèle de police ayant commis des actions déplorables dans une grande partie de l’Afrique, la question de sa surveillance est cruciale » (Gompert, Davis and Stearns Lawson, 2009).

L’étude a identifié quatre options conceptuelles pour la surveillance de la Police Nationale Libérienne (PNL) basées sur deux variables : une autorité centrée sur le gouvernement versus une autorité indépendante et une lourde responsabilité. Les options résultantes peuvent être décrites dans une matrice simple :

  • Une autorité centrée sur le gouvernement signifie que la surveillance de la Police Nationale Libérienne (PNL) serait plus ou moins entièrement sous le contrôle du gouvernement.
  • Une autorité indépendante signifie que le gouvernement n’aurait que peu ou pas de rôle, à l’exception du rôle de gestion générale que joue déjà le Ministère de la Justice.
  • Les responsabilités légères signifient que les organismes de surveillance de la PNL se contenteraient d’observer et de faire des rapports - en réalité, ils rempliraient une fonction de « chien de garde ».
  • Une surveillance lourde signifie un mandat large, peut-être complet, et une capacité importante d’appeler le PNL à la tâche et de formuler des recommandations, voire même d’établir des politiques, des normes et des solutions. La recommandation faite fut la suivante :

« Le Libéria a besoin d’un système mixte (c’est-à-dire indépendant du gouvernement) de surveillance de la Police Nationale Libérienne doté d’un large mandat pour renforcer le professionnalisme de la police. Un tel système devrait être clair, relativement simple, gérable et compréhensible pour le gouvernement libérien. Il devrait compléter et renforcer à la fois la gestion normale du gouvernement de la Police Nationale Libérienne et la capacité de fonctionnement de la PNL » (Gompert, Davis and Stearns Lawson, 2009, p. ix).

2.1 - Contrôle interne au sein de la police

Le premier niveau de contrôle d’un système de responsabilité de la police réside dans les systèmes de contrôle interne au sein même du service de police. Les mécanismes de contrôle interne efficaces jouent un rôle essentiel dans le système de responsabilité de la police, en termes de prévention mais aussi de réaction. Ces mécanismes sont constitués de trois composantes principales : 1- Normes professionnelles et d’intégrité, 2- Surveillance et contrôle permanents, 3- Mécanismes de rapports internes et disciplinaires (DCAF, 2015a) :

Responsabilité avant l’acte : Normes professionnelles et d’intégrité

Tel qu’indiqué dans les sections précédentes, toutes les actions policières doivent être fondées sur la loi. Les stipulations légales des lois peuvent toutefois être insuffisantes en matière d’exercice quotidien des pouvoirs policiers. Il est toutefois impératif que les services de police développent des normes professionnelles (codes de conduite) globales fournissant une orientation claire sur l’exercice des devoirs et pouvoirs dans la pratique. À titre d’exemple, la définition de normes, directives et instructions professionnelles claires sur les procédures d’arrestation et de détention constituerait un bon premier pas vers le respect de la loi par les agents de police lors des arrestations.

Les normes professionnelles ne sont cependant pas suffisantes. Comme indiqué précédemment, dans le cadre des lois, les agents de police disposent souvent de larges pouvoirs discrétionnaires. Dans certains cas, la police fait face à des dilemmes éthiques tels que la tendance à contourner les lois pour atteindre ce qu’ils perçoivent comme des objectifs supérieurs d’application de la loi ou la tendance à appliquer des méthodes d’interrogatoire coercitives visant à obtenir des informations cruciales ou des confessions des suspects (CICR, 2013, p. 140). C’est précisément dans ces situations que les services de police ont besoin d’établir un code de déontologie qui définisse des normes d’intégrité globales basées sur les valeurs d’impartialité, d’équité, d’égalité, de justice, d’honnêteté mais aussi des principes de respect des droits de l’homme et de la dignité (Costa et Thorens, 2015). Selon le système administratif du pays, ces normes professionnelles et d’intégrité peuvent être développées par, ou en consultation avec, le Ministère dont dépend la police. En Côte d’Ivoire, il a été mis en place en 2013 une entité, la Haute Autorité pour la bonne gouvernance (qui fait partie des instruments mis en place par le gouvernement dans le cadre de son plan national de lutte contre la corruption). Cette entité jouit d’une autonomie administrative et financière et est dotée d’une personnalité morale : l’une de ses missions consiste à assister les secteurs publics et privés dans l’élaboration des règles de déontologie (Ordonnance N°2013-660 du 20 septembre 2013).

Il est également prouvé que si les normes d’intégrité sont développées selon une approche participative, avec la police et d’autres acteurs, il est plus probable qu’elles soient adoptées et mises en œuvre par la police.

S’il est bien défendu, un code de déontologie définissant des normes d’intégrité peut potentiellement fournir une orientation claire aux agents de police qui font face à des dilemmes éthiques, contribuer à une meilleure identification, analyse et résolution des problèmes éthiques, favoriser l’exercice de gestion et d’encadrement dans l’ensemble de l’organisation et améliorer la confiance du public dans la police (CoE, 2001, Mémoire explicatif).

Aucune norme internationale ne prescrit le contenu d’un code de déontologie. Néanmoins, le Code européen de déontologie policière (2010) est largement reconnu et promu en tant que modèle de code au niveau international. Constitué de 66 articles, le Code s’organise autour des sous-titres suivants :

  • Objectifs de la police
  • Bases juridiques de la police
  • La police et le système de justice pénale
  • Organisations des structures de la police (recrutement, rétention, formation et droits du personnel)
  • Principes directeurs concernant l’action/l’intervention de la police (notamment les normes éthiques et d’intégrité globales telles que le respect et la protection des droits humains fondamentaux, agir conformément aux principes de légalité, d’impartialité, de non-discrimination, envisager la protection des groupes particulièrement vulnérables)
  • Responsabilité et contrôle de la police
  • Recherche et coopération internationale

Des normes similaires sont énoncées dans la Déclaration de Séoul (AGN/68/RES/4) adoptée par le Groupe d’experts d’INTERPOL sur la corruption, la Résolution d’Harare sur le Code de conduite pour les responsables de l'application des lois (2001) adoptée par l’Organisation de coopération régionale des chefs de police de l'Afrique australe (SARPCCO) et la Convention des Nations Unies contre la corruption (2003) adoptée par la résolution 58/4 de l’Assemblée générale (voir l’article 8).

Le développement de normes professionnelles et d’intégrité ne suffit pas à en garantir le respect. Les services de police doivent largement promouvoir le code de déontologie et les normes d’intégrité au sein de l’organisation mais aussi intégrer la mise en œuvre des normes d’intégrité dans les procédures de recrutement, de formation et de promotion. Le développement et la mise en œuvre efficace des normes d’intégrité sont des outils de prévention importants pour le contrôle interne et contribuent ainsi à la « responsabilité avant l’acte ». (Le module 14 sur l’éthique professionnelle de la série de modules universitaires E4J sur l’intégrité et l’éthique fournit plus de renseignements sur les normes d’intégrité et d’éthique de professions spécifiques.)

Responsabilité pendant l’acte : Surveillance et contrôle permanents des processus organisationnels et des comportements individuels

La deuxième composante du contrôle interne vise à atteindre la responsabilité pendant l’acte en établissant des mécanismes de supervision et de contrôle. Les principaux objectifs de supervision et de contrôle continus consistent à vérifier la conformité des pratiques quotidiennes de la police avec la loi, les politiques et les normes d’intégrité, et à détecter tout comportement illégal et/ou contraire à l’éthique (CICR, 2013, p. 140).

Pour atteindre ces objectifs, il convient d’établir une chaîne de commandement claire, dont l’objectif est double. Tout d’abord, cette chaîne de commandement permettrait aux services de police de retracer la responsabilité ultime d’un acte ou d’une omission de la police (CoE, 2001, article 17). C’est important car, conformément aux normes internationales, l’agent de police qui a commis l’infraction n’est pas le seul à engager sa responsabilité, son supérieur immédiat qui lui ordonné cet acte ou n’a pas réussi à l’en empêcher sera également tenu pour responsable (Principes de base sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois, 1990, principe 24). Deuxièmement, une chaîne de commandement permettrait de définir clairement les rôles et responsabilités respectifs en matière de surveillance de tous les agents de police à tous les niveaux de la hiérarchie.

Ce principe est d’ailleurs stipulé comme suit dans la loi malienne :

L’autorité investie du pouvoir hiérarchique exerce les fonctions de commandement. A ce titre, elle prend les décisions et les fait appliquer. Elle les traduit par des ordres qui doivent être précis et assortis des explications nécessaires à leur bonne exécution.

L’autorité de commandement est responsable des ordres qu’elle donne, de leur exécution et de leurs conséquences. Lorsqu’elle charge un de ses subordonnés d’agir en ses lieux et place, sa responsabilité demeure entière et s’étend aux actes que le subordonné accomplit régulièrement dans le cadre de ses fonctions et des ordres reçus. (Par.2, art.180-181)

La supervision et le contrôle efficaces au sein des services de police peuvent être obtenus par l’intermédiaire de plusieurs procédures et mécanismes. En voici quelques exemples :

  • Une tenue rigoureuse des dossiers et des procédures de rapports et exposés internes qui aiderait les supérieurs à surveiller les activités de leurs subordonnés, à analyser les tendances, à identifier les pratiques problématiques à partir des comptes-rendus d’incident et à évaluer si les facteurs qui se cachent derrière ces pratiques sont des facteurs systémiques (OSCE, 2009, par. 113).
  • Des mécanismes d’audit internes pour un examen régulier des processus de recrutement, de formation, de promotion mais aussi d’autres processus de gestion des ressources afin d’évaluer s’ils promeuvent efficacement les normes professionnelles et d’intégrité définies par la police.
  • Les procédures d’inspections régulières et inopinées et les contrôles réalisés par les supérieurs sur les lieux très exposés à des risques de violations des droits de l’homme tels que les locaux de garde à vue et les salles d’interrogatoires.
  • Procédures de suivi de l’utilisation des armes à feu et de traçage des munitions : le recours à la force et l’utilisation des armes à feu est l’une des fonctions policières les plus exposées au risque de violations des droits de l’homme. Tout approvisionnement, enregistrement, stockage, entretien et traçage incorrect des armes et munitions est susceptible d’entraîner d’importantes lacunes en termes de responsabilité et de rendre les enquêtes internes et externes inefficaces. Les services de police doivent donc développer des procédures détaillées de gestion des armes à feu et des munitions pour créer une piste d’audit. La « Pratique professionnelle autorisée » (disponible uniquement en anglais) développée par le collège britannique de la police comporte un ensemble complet de règles sur les armes, et le traçage du matériel constitue une pratique prometteuse dans ce domaine. Le traçage ne s’applique pas seulement aux munitions des armes à feu mais il est également de plus en plus important dans l’utilisation des armes moins létales, en particulier le dispositif à impulsion, également connu sous le nom de Taser. Même si le Taser constitue une solution moins létale que les armes à feu, une utilisation inappropriée peut provoquer de graves dommages voire la mort. (Le module 4 sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu fournit plus de renseignements sur l’utilisation des armes moins létales par les forces de l’ordre). Les services de police cherchent de plus en plus à tracer l’utilisation des Tasers, comme moyen de garantir la légalité, la nécessité et la proportionnalité de leur utilisation. Par exemple, la New South Wales Police Force en Australie utilise des Tasers équipés de mécanismes de traçage intégrés, notamment une caméra de Taser « fixée sur l’arme afin de capturer des informations sonores et visuelles avant, pendant et après l’utilisation du Taser », un système de téléchargement des données qui « permet de télécharger des informations sur chaque utilisation du Taser enregistrées sur la puce électronique de données dans l’arme et indiquées sur les étiquettes de l’Anti Felony Identification Device (AFID), qui comprennent le numéro de série de la cartouche du Taser utilisée à chaque tir et qui pourra ainsi être identifiée. Les dossiers disponibles au poste de police peuvent alors être utilisés pour associer la cartouche au Taser et par conséquent à son opérateur » (NSW Ombudsman, 2012, p. 81).
  • Le recueil et l’analyse des données ventilées par âge, par genre et le cas échéant, selon d’autres caractéristiques protégées (telles que la race et les identités ethniques/religieuses) dans l’exercice de leurs devoirs de maintien de l’ordre : le recueil et l’examen régulier des données ventilées serviraient naturellement de mécanisme de responsabilité interne car cet examen proactif permettrait d’identifier des tendances et de reconnaître précocement les pratiques potentiellement problématiques. Par exemple, un examen régulier des données de contrôles et de fouilles ventilées peuvent révéler des pratiques de contrôles et de fouilles disproportionnées visant les jeunes hommes d’une race ou d’une religion en particulier. Alors que les données de ce type devraient être interprétées avec attention, une telle disproportion peut constituer un avertissement pour la haute direction qui devra surveiller de plus près les données relatives aux contrôles et aux fouilles, discuter avec les agents impliqués des raisons et justifications du maintien de l’ordre disproportionné et si nécessaire revoir les pratiques et directives opérationnelles standards, afin d’empêcher le profilage basé sur des préjugés.

Il est important de noter que le rôle de supervision des agents de police ne se limite pas au contrôle des procédures internes et de leurs subordonnés. Ils doivent « montrer l’exemple » en affichant les normes d’intégrité les plus strictes dans leur conduite professionnelle quotidienne, afin de promouvoir une culture de la conduite éthique au sein de l’organisation (CoE, 2001, article 20). Il existe un autre moyen important de promouvoir une culture de l’intégrité au sein de l’organisation : mettre en avant les pratiques des agents qui défendent systématiquement les droits de l’homme.

C’est possible en reconnaissant les actions exemplaires respectueuses des droits de l’homme des agents dans des newsletters internes ou en encourageant ces pratiques sur les réseaux sociaux. Le fait de mettre en avant les pratiques positives montrerait que la haute direction estime la mise en œuvre de normes d’intégrité dans la pratique. (Pour plus d’informations, consulter la série de modules universitaires E4J sur l’intégrité et l’éthique).

Le Ministère ivoirien de l’intérieur et de la sécurité remet chaque année un Prix d’Excellence aux meilleurs agents de police (Abidjan, 10 nov. (AIP)- Les lauréats du Prix d’Excellence 2017). D’autres récompenses sont par ailleurs prévues dans le cadre d’actions ponctuelles de la part des agents de police.

En résumé, une chaîne de commandement bien établie avec des dirigeants qui définissent clairement les rôles de supervision et des mécanismes de contrôle efficaces contribuent également à la responsabilité de la police « pendant l’acte ».

Responsabilité après l’acte : Mécanismes de traitement des plaintes

La troisième composante du contrôle interne, sans doute la plus importante, réside dans les mécanismes de gestion des rapports concernant les actes répréhensibles et les plaintes du public contre la police, de manière impartiale, rapide et complète. La contribution positive des mécanismes de responsabilité efficaces pour la confiance du public dans la police est reconnue dans la littérature (Goldsmith, 2005).

Au Mali, une recherche a révélé que le déficit de confiance entre les forces de sécurité et la population résulte notamment de la méconnaissance des rôles et des responsabilités de la police par la population (surtout celle qui vit loin des grandes villes), de l’absence d’un espace de dialogue et de cadre de collaboration entre les forces de sécurité et la population et d’une difficulté de gestion et de traitements des informations dans la collaboration (IMRAP, juin 2016).

Conformément aux normes internationales et aux bonnes pratiques dans le monde entier, les normes suivantes garantissent des mécanismes disciplinaires et de traitement des plaintes internes efficaces :

  • Les services de police doivent établir des canaux sûrs pour signaler les actes répréhensibles d’un collègue (ONUDC, 2011, p. 90 ; OSCE, 2009, par. 31). Ces canaux doivent être accessibles aux témoins (voir la section 3.3 de ce module pour une discussion plus détaillée concernant la dénonciation) et aux agents de police victimes de ces actes répréhensibles (par exemple en cas de plaintes pour harcèlement sexuel interne, pour discrimination, pour harcèlement moral).
  • Les services de police doivent également établir des mécanismes et procédures efficaces de réception, de traitement et d’examen des plaintes déposées par des membres du public contre les agents de police. À cette fin :
    • Plusieurs solutions doivent être possibles pour déposer plainte : en personne au poste de police, par écrit, par téléphone, en ligne. Les services de police doivent aussi accepter les plaintes anonymes.
    • Les services de police doivent informer activement le grand public, mais aussi ceux qui sont au contact du système de justice pénale (témoins, victimes et délinquants) concernant la façon dont ils peuvent porter plainte (Bryne et Priestley, 2017, p. 11).
    • L’agent de police qui reçoit la plainte doit être légalement obligé d’accepter et d’enregistrer la plainte. Un agent seul ne peut décider s’il peut rejeter ou écarter la plainte (Amnesty International, 2015, p. 37).
    • Les services de police doivent développer des règles de procédure globales pour le traitement des plaintes, notamment des délais d’enquête, des méthodes et procédures d’enquêtes disciplinaires ou pénales, les sanctions disponibles pour les différentes fautes. Cela garantirait la cohérence entre les enquêtes et la transparence vis-à-vis du plaignant mais aussi de l’agent de police accusé (CICR, 2013, p. 341).
    • Les enquêtes sur les plaintes doivent être menées par une unité ou des agents de police raisonnablement indépendants de l’agent de police impliqué dans l’incident à l’origine de la plainte (OSCE, 2009, par. 87).
    • Pendant toute la durée de l’enquête, les services de police doivent respecter, protéger et défendre les droits des victimes et des plaignants. Cela comprend le droit d’être informé pendant et après l’enquête, le droit d’apporter des preuves et de convoquer des témoins, le droit de faire appel et d’intenter des procédures civiles et pénales en parallèle, conformément à la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir (Résolution 40/34 adoptée par l’AG) (le module 11 sur la justice pour les victimes fournit plus de renseignements sur les droits des victimes).
    • Des mesures nécessaires doivent être mises en place pour protéger les droits de l’agent de police accusé, en particulier le droit d’être informé de l’enquête, le droit à l’aide judiciaire, le droit à être entendu et défendu (PACE, 1979, articles 7-9).
    • Une fois l’enquête terminée et une fois que les autorités compétentes de la police ont statué sur le résultat ou la sanction, des mécanismes doivent permettre au plaignant mais aussi à l’agent accusé de faire appel de la décision (CoE, 2001, article 33).
    • Les données sur les plaintes doivent être systématiquement examinées et analysées par la police en association avec des groupes d’experts externes. Cela permettra à la police d’identifier les causes sous-jacentes et systémiques des fautes et de tirer des leçons des erreurs (OSCE, 2009, par. 91). Conformément aux normes des Nations Unies, il est recommandé de « dévoiler le nombre de plaintes déposées, la nature des plaintes et leurs conséquences, y compris le nombre d’agents ayant fait l’objet de sanctions et de poursuites pénales » (ONUDC, 2011, p. 38) (proposition de traduction du texte disponible uniquement en anglais).

Il est certain que les mécanismes internes de traitement des plaintes permettent de mieux connaître la culture et l’environnement de la police, de disposer de meilleures ressources pour l’enquête (expertise et moyens techniques) et de pouvoir compter sur une plus grande probabilité de coopération de l’agent accusé avec les enquêteurs (UNHCR, 2010, par. 25-26 ; OSCE, 2009, par. 87). Néanmoins, si les services de police peuvent enquêter eux-mêmes sur les infractions pénales et disciplinaires, il existe un risque que les enquêtes ne soient pas menées de manière approfondie, que les lacunes systémiques ne soient pas identifiées, que les auteurs ne soient pas punis de façon appropriée, et que cela donne lieu à une culture de l’impunité. Des acteurs de surveillance et de contrôle externes doivent donc être activement associés à toutes les étapes de la responsabilité avant, pendant et après l’acte.

2.2. Contrôle du pouvoir exécutif

Dans la plupart des pays, le pouvoir exécutif joue un rôle important dans le système de responsabilité de la police. Comme la police fait hiérarchiquement partie du pouvoir exécutif (elle relève le plus souvent du Ministère de l’Intérieur ou du Ministère de la Justice), la nature de la fonction exécutive implique plus de « contrôle », avec pour conséquence une capacité directe à modifier les actions de la police, plus qu’une « surveillance », comme c’est le cas avec d’autres acteurs externes du système de responsabilité. Alors que la portée du rôle de l’exécutif dépend de la structure administrative et de gouvernance d’un état, le pouvoir exécutif contribue à la responsabilité de la police de différentes façons au sein des trois étapes.

Contrôle ex ante

Contrôle permanent

Contrôle ex post : adjudication

Dans la plupart des pays, le ministère de l’exécutif dont relève la police est chargé de définir la vision globale d’application de la loi, d’établir les principales politiques de recrutement, les indicateurs de performance, les promotions et la formation, et de développer le code disciplinaire (ONUDC, 2011, p. 98).

Dans les sociétés démocratiques, certaines de ces tâches sont réalisées en consultation avec la police et dans les pays hautement décentralisés, certaines tâches peuvent être entièrement déléguées à la police.

Le pouvoir exécutif examine régulièrement la police par le biais des inspectorats. Une fois encore, la structure hiérarchique et le mandat des inspectorats varient selon les pays. Néanmoins, dans la plupart des cas, les inspectorats sont chargés d’évaluer la conformité de la police avec la loi, les politiques et les codes de déontologie (Born et. al., 2012, p. 196).

À cet effet, le but de la plupart des inspectorats est d’identifier les défaillances et problèmes systémiques, plutôt que d’enquêter sur les fautes individuelles dont le traitement est souvent délégué à la police.

Exceptionnellement, les inspectorats peuvent lancer des enquêtes sur la haute direction de la police ou traiter des plaintes portant sur des violations graves, en particulier s’il n’existe pas de mécanismes d’enquête indépendants dans le pays concerné.

Selon les résultats des inspections, le pouvoir exécutif peut décider de modifier des politiques ou d’en introduire de nouvelles pour traiter les problèmes systémiques et améliorer la responsabilité de la police.

Par ailleurs,dans certains pays centralisés, l’exécutif dispose du pouvoir de congédier le chef de la police après une enquête concernant une infraction ou un acte répréhensible.

 

Le pouvoir exécutif dispose d’un moyen de contribuer largement à la responsabilité de la police : veiller à ce que les documents stratégiques et de définition des politiques soient conformes aux normes internationales en matière de droits de l’homme et encouragent l’intégrité du service de la police. Par exemple, l’incorporation de la conformité aux normes d’intégrité comme critère clé du recrutement et de la promotion des agents de police permettrait d’intégrer une culture de l’éthique à l’organisation. Au contraire, les critères de performance qui mesurent la performance opérationnelle selon le nombre d’arrestations, par exemple, peuvent entraîner une incidence élevée des arrestations arbitraires, en violation des normes internationales en matière de droits de l’homme.

Exemples de contrôle du pouvoir exécutif selon les pays

Au Kenya, le Gouvernement a annulé le recrutement de 3 000 agents et suspendu 60 agents supérieurs après qu’une enquête de la Commission de lutte contre la corruption a révélé que près de 80 % des candidats avaient soit versé des pots-de-vin soit utilisé leurs relations pour obtenir les emplois (BBC, 2005).En Slovénie, alors que la plupart des plaintes pour faute sont traitées par la police, un groupe ministériel enquête directement sur les cas de plaintes déposées par des enfants, des membres de communautés ou minorités nationales ou ethniques ou d’autres groupes vulnérables (Slovenia Police Tasks and Powers Act, 2013, Section IV).

L’une des difficultés rencontrées dans le cadre du contrôle exécutif est que les inspectorats et autres mécanismes exécutifs sont souvent perçus par le public comme pas assez indépendants pour garantir la responsabilité de la police. C’est particulièrement problématique dans les pays où l’inspectorat est directement désigné par le ministre et que c’est à ce dernier que les rapports sont transmis, sans transparence. Dans ces cas, le ministre peut influencer le travail de l’inspectorat en cachant les actes répréhensibles de la police, ou encore instrumentaliser le travail de l’inspectorat pour promouvoir l’agenda politique.

2.3. Contrôle judiciaire de la police

Le pouvoir judiciaire est un élément indispensable du système de responsabilité de la police, dans lequel les juges et procureurs disposent de pouvoirs réglementaires pour exercer la surveillance et le contrôle ex ante, permanent et ex post de la police.

Contrôle ex ante : autorisation judiciaire

Contrôle permanent

Contrôle ex post : adjudication

L’exercice de certains pouvoirs de la police suppose un risque élevé de violation des droits humains fondamentaux. Cela comprend la fouille de domiciles privés ou le recueil d’informations par la surveillance secrète des communi­cations, qui peut s’avérer nécessaire pour enquêter sur le crime organisé ou les infractions liées au terrorisme.Les sociétés démocratiques soumettent l’exercice de ces pouvoirs à une autorisation judiciaire, car le pouvoir judiciaire est souvent mieux placé pour étudier la légalité, la nécessité et la proportionnalité des méthodes d’enquête proposées.À cet égard, le pouvoir judiciaire joue un rôle direct dans la garantie de « responsabilité avant l’acte », en autorisant ou en rejetant l’application de mesures spéciales d’enquête, ce qui permet de maintenir les enquêtes de la police dans les limites de la loi et des normes en matière de droits de l’homme.

Dans certains systèmes de justice pénale, les procureurs généraux ont le pouvoir de mener, de diriger ou de superviser des enquêtes pénales.Dans ces cas, les procureurs ont une responsabilité directe pour surveiller la légalité des activités de la police au cours de l’enquête et pour s’assurer que les droits de l’homme sont respectés par les agents de police (CoE, 2000, article 21).

Lorsque les actions de la police constituent (ou sont suspectées de constituer) une violation du code pénal, les institutions judiciaires enquêtent, poursuivent, jugent et, si nécessaire, condamnent les agents de police impliqués.Le pouvoir judiciaire joue également un rôle clé pour fournir des mesures correctives aux victimes d’exactions policières, principalement par le biais de procédures civiles (Born et. al, 2012, p. 201).Le respect du droit de réparation, tel que stipulé par le PIDCP (Résolution 2200A (XXI) de l’AG, article 2(3)a), est essentiel à un système de responsabilité efficace

Alors que le pouvoir judiciaire joue un rôle crucial dans la responsabilité de la police, dans la pratique, l’efficacité du contrôle judiciaire de la police est confrontée à certaines limites et difficultés. Premièrement, il existe généralement une limite aux pouvoirs de la police qui sont soumis à un contrôle judiciaire ex ante. Les pouvoirs de la police ne peuvent pas tous faire l’objet d’une autorisation judiciaire préalable, et par conséquent les pays soumettent généralement au contrôle judiciaire ex ante uniquement les pouvoirs de la police considérés comme les plus intrusifs, par exemple la surveillance électronique et des télécommunications. L’étendue des pouvoirs de la police qui requièrent un contrôle judiciaire ex ante varie selon les pays.

Certains types d’attributions policières telles que l’infiltration de policiers ne sont généralement pas placés sous le contrôle judiciaire ex ante dans de nombreux pays. Les services de police déterminent généralement les règles qui guident la conduite des policiers infiltrés. La nature intrinsèquement dangereuse du travail d’infiltration, associée au manque de contrôle ex ante sur l’application des méthodes d’infiltration, laisse peu de place à un contrôle judiciaire efficace ou tout autre contrôle externe. Dans la plupart des cas, les méthodes d’infiltration pour le maintien de l’ordre deviennent des surveillances a posteriori après des plaintes déposées et des procès intentés contre des agents ou des services de police. Les experts et organisations spécialisées en matière de maintien de l’ordre et de droits de l’homme sont de plus en plus nombreux à appeler à soumettre l’infiltration à un contrôle judiciaire préalable (Liberty, 2013 ; JUSTICE, 2011). L’infiltration et d’autres méthodes policières potentiellement controversées soulèvent des questions quant à une éventuelle extension du contrôle judiciaire ex ante, et quant au fait de savoir si le pouvoir judiciaire serait capable de surveiller efficacement ces méthodes de maintien de l’ordre.

Deuxièmement, concernant l’examen ex ante des demandes de surveillance, la question est de savoir si les juges qui examinent les demandes de la police ont les connaissances et l’expertise nécessaires en matière de mesures d’enquête intrusives et d’implications pour les droits de l’homme. Ils peuvent ne pas être en mesure d’évaluer de manière critique la nécessité et la proportionnalité de ces mesures (Wills, 2015, p. 55). Même si les juges possèdent cette expertise, lorsqu’ils ne sont pas strictement indépendants du pouvoir exécutif, ils peuvent hésiter à rejeter des méthodes d’investigation des forces de l’ordre, en particulier dans le cadre d’enquêtes sur des affaires liées au terrorisme ou au crime organisé, ou encore à la politique, ayant alors tendance à approuver les demandes de surveillance.

Troisièmement, dans de nombreux systèmes de justice pénale, le Ministère public et la police ont des relations de travail et de collaboration très étroites. Il peut donc s’avérer difficile pour les procureurs de surveiller étroitement le respect des droits de l’homme par la police dans le cadre d’une enquête qu’ils sont censés superviser, ou encore d’enquêter sur des infractions d’agents de police avec lesquels ils ont travaillé auparavant (Born et Mesavage, 2012, p. 202).

Les pays tentent d’atténuer ces difficultés en assignant des juges spécialisés pour examiner les mandats et des procureurs spéciaux pour enquêter sur les infractions commises par la police (CoE, 2009, par. 85), ou en créant des mécanismes d’investigation indépendants pour enquêter sur les allégations des crimes les plus graves commis par la police (voir la sous-section 2.5 ci-après).

2.4 Contrôle parlementaire de la police

Incarnant la légitimité démocratique ultime, les parlements exercent des fonctions législatives, budgétaires et de contrôle avant, pendant et après les actions policières.

Contrôle ex ante

L’un des rôles les plus importants des parlements à travers le monde consiste à rédiger, modifier et exécuter les lois. Il est donc de la responsabilité du parlement de définir un cadre légal global concernant la police qui soit conforme aux lois internationales et aux normes relatives aux droits de l’homme. La/les loi(s) sur la police doi(ven)t fournir un mandat et des pouvoirs clairement définis pour la police ainsi que des mécanismes de responsabilité lorsque la police enfreint la loi (DCAF, 2015b). Outre leur pouvoir normatif, les parlements ont d’autres fonctions qui contribuent à la « responsabilité avant l’acte » : la plupart d’entre eux sont impliqués dans la révision, la modification et l’adoption du budget de l’état, lequel comprend le budget des services de police. Un examen minutieux du budget de la police proposé pourrait révéler des achats inutiles ou des domaines fortement exposés à la corruption. De plus, dans certains pays, les parlements surveillent voire approuvent les nominations aux plus hautes fonctions de l’application de la loi (le ou la chef(fe) de la police nationale par exemple). Les parlements peuvent avoir recours à cette fonction pour promouvoir l’incorporation des normes d’éthique et d’intégrité aux processus de sélection et de nomination des chefs de la police.

Contrôle permanent

Contrôle ex post

Les parlements utilisent divers mécanismes et procédures pour contribuer à la « responsabilité pendant l’acte », dont les plus importants sont les commissions parlementaires permanentes mandatées pour surveiller la police. Ces commissions parlementaires ont souvent le pouvoir de demander et d’examiner les rapports de la police, de tenir des auditions parlementaires, de convoquer les membres de l’exécutif et des forces de l’ordre, mais aussi des experts thématiques pour témoigner lors des auditions parlementaires, de lancer des enquêtes parlementaires et de mener des inspections des locaux de la police (ONUDC, 2011, p. 95). Ces instruments parlementaires sont des outils essentiels pour vérifier que la police agit dans le respect des lois, stratégies et politiques développées et adoptées par les pouvoirs législatif et exécutif.

Outre les commissions permanentes, certains parlements établissent des commissions d’enquête parlementaire ad hoc, souvent à la suite d’un scandale de la police suscitant une vive réaction de la part du public. Dans ces cas, des commissions ad hoc sont créées pour établir les faits de l’affaire, inviter les hauts responsables de la police à rendre des comptes devant le parlement et faire des recommandations pour améliorer la gouvernance policière à l’avenir. Il convient de noter que ces commissions ne disposent d’aucun pouvoir judiciaire et n’ont pas pour but de remplacer les processus judiciaires qui peuvent être lancés en même temps.

 

Exemples de contrôle parlementaire selon les pays

L’Assemblée nationale sud-africainecomporte un comité permanent appelé le Comité du portefeuille de la police, exclusivement chargé de surveiller la police. À cet effet, le comité a utilisé efficacement les pouvoirs législatifs, budgétaires et de contrôle pour superviser la police. Dans le cadre de son travail de contrôle, le comité a élaboré un questionnaire standardisé pour la police et l’utilise dans le cadre de ses visites régulières et inopinées des postes de police pour une surveillance efficace et coordonnée (APCOF, 2014). En 2018, le Parlement de Géorgiea établi une commission d’enquête provisoire sur l’assassinat de deux adolescents. Les poursuites et le jugement de l’affaire ont provoqué un tollé lorsqu’il a été révélé qu’un employé du Bureau du procureur, qui est aussi un proche d’un témoin clé de l’affaire, avait essayé de dissimuler des preuves. L’acquittement des suspects a provoqué de grands rassemblements, la démission du procureur en chef, et la création d’une commission parlementaire ad hoc. La commission a examiné le dossier, convoqué les agents de police qui avaient mené l’enquête et formulé des recommandations à l’attention du Ministère de l’Intérieur et de la Police (Civil.ge, 2018).

Le contrôle parlementaire présente des failles et fait face à des difficultés en matière de surveillance de la police. Premièrement, les parlementaires ne peuvent pas consacrer tout leur temps et leur attention aux questions liées au contrôle de la police. Être membre d’une commission parlementaire de contrôle de la police fait partie des nombreuses fonctions des parlementaires. Deuxièmement, la plupart des parlementaires ne disposent pas de l’expertise suffisante pour contrôler efficacement la police. Avec des technologies, des méthodes d’enquêtes policières et de nouvelles formes de criminalité de plus en plus compliquées, on conçoit bien que les parlementaires ne puissent pas toujours poser les bonnes questions pour superviser les fonctions et activités complexes de la police. Troisièmement, il existe toujours un risque inhérent que les parlementaires utilisent des outils de contrôle, des mécanismes et des informations obtenues par le biais de leurs activités de contrôle dans le but de promouvoir leur agenda politique ou de nuire le plus possible à leurs rivaux politiques. Dans ces cas, la nomination des chefs de la police, les inspections et les enquêtes parlementaires risquent d’être indûment politisées (Wills, 2010, p. 42-43).

2.5. Contrôle par des institutions indépendantes

Les sous-sections ci-dessus portent sur les éventuelles difficultés rencontrées lorsque des allégations de faute de la police font l’objet d’une enquête interne menée par la police ou les organes exécutifs, et sont surveillées par les pouvoirs judiciaire et législatif. Il est largement admis que la confiance dans la police, condition préalable à un maintien de l’ordre efficace, est largement minée lorsque le public constate que les exactions policières ne font pas l’objet d’enquêtes efficaces (CoE, 2001, commentaire sur l’article 61 ; OSCE, 2009, par. 88 ; UNHCR, 2010 ; Tait, Frank et Ndung‘u, 2011, p. 1).

Par conséquent, ces dernières décennies, les instruments normatifs internationaux ont mis l’accent sur le besoin d’enquêter efficacement et en toute indépendance sur les infractions présumées commises par la police, en particulier dans les affaires de recours à la force et d’exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires (Principes de base sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu, 1990, article 22; Principes relatifs à la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens d'enquêter efficacement sur ces exécutions, Résolution 1989/65 de l’Assemblée générale du Conseil économique et social, Principes 9-10). La Cour européenne des droits de l’homme, par le biais d’une série d’arrêts faisant jurisprudence, a établi cinq principes clés nécessaires à une enquête efficace concernant des plaintes déposées contre des agents des forces de l’ordre. Conformément à ces principes, les enquêtes doivent : garantir l’indépendance des enquêteurs, être capables de réunir des preuves suffisantes, être menées rapidement après l’incident, être consultables par le public et permettre la participation des victimes au processus d’enquête (CoE, 2009, p. 3).

Reconnaissant ces normes et principes, des représentants d’acteurs régionaux et internationaux, dont le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires des Nations Unies et le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, ont demandé la création d’organes indépendants chargés d’examiner les plaintes contre la police (« IPCB ») car ils sont les plus à même de mener des enquêtes efficaces en cas de plaintes contre la police (CoE, 2009 ; HCR, 2010).

En effet, différents pays à travers le monde, y compris des pays qui ont des antécédents d’exactions policières graves et généralisées, ont choisi de mettre en place des IPCB. Alors que la composition et le mandat institutionnels précis varient selon les contextes nationaux, les IPCB les plus efficaces et performants semblent présenter les caractéristiques suivantes (CoE, 2009 ; UNHCR, 2010 ; ONUDC, 2011, p. 69-70) :

  • Indépendance : Les IPCB sont institutionnellement et hiérarchiquement indépendants des forces de l’ordre et du pouvoir exécutif (des comptes-rendus sont régulièrement remis au parlement), et un budget séparé leur est alloué par le parlement(UNHCR, 2010, par. 60). Les IPCB disposent également d’une indépendance opérationnelle, c’est-à-dire qu’ils sont libres de déterminer les priorités en matière de contrôle de la police et s’ils doivent ou non ouvrir une enquête.
  • Mandat clair : Alors qu’il n’existe aucune norme internationale prescriptive sur la portée du mandat des IPCB, ces derniers sont plus efficaces lorsque les lois nationales fournissent un mandat clair, qui n’empiète pas sur le mandat des autres acteurs de contrôle externes (tels que les institutions de médiation et/ou l’institution nationale de défense des droits de l’homme par exemple) et qui soit réalisable avec les pouvoirs et les ressources dont disposent les IPCB. Dans certains pays, les IPCB sont mandatés pour enquêter sur toutes les plaintes déposées contre la police (pénales et disciplinaires) alors que dans d’autres, ils sont mandatés pour enquêter sur les infractions les plus graves commises par la police (assassinats, torture, mauvais traitements, corruption de haut niveau). Cette décision dépend souvent des antécédents d’exactions policières dans le pays et des ressources mises à la disposition de l’IPCB pour enquêter sur les plaintes. Si les ressources des IPBC sont limitées, elles sont souvent destinées uniquement aux enquêtes portant sur les infractions les plus graves (UNHCR, 2010, par. 49).
  • Pouvoirs d’enquête : La principale caractéristique des IPCB est qu’ils ne dépendent pas des forces de l’ordre pour mener les enquêtes. Les IPCB les plus efficaces possèdent leur propre équipe d’enquêteurs, lesquels disposent de pouvoirs d’application de la loi, par exemple l’accès à des informations, la fouille, la perquisition et la saisie, l’interrogatoire et l’assignation de personnes et, dans les cas extrêmes, l’arrestation de suspects. Certains IPCB ne possèdent pas leurs propres enquêteurs mais ont le pouvoir de contraindre la police à coopérer et/ou de superviser l’enquête de police menée après le dépôt des plaintes.
  • Ressources : Pour agir efficacement, les IPCB ont besoin d’importantes ressources financières, techniques (pour recueillir, conserver et analyser les preuves) et humaines, notamment des experts thématiques recrutés temporairement pour certaines enquêtes (UNHCR, 2010, par. 46).
  • Accessibilité et transparence : Aucune des caractéristiques ci-dessus n’importerait si les IPCB n’étaient pas connus du grand public et accessibles aux victimes d’exactions policières. En conséquence, les IPCB performants visent le grand public, en particulier les groupes vulnérables. Les IPCB ont par ailleurs un devoir de transparence concernant leur travail et les enquêtes, afin de gagner la confiance du public au sujet de leur mission de contrôle (UNHCR, 2010, par. 63-64).

Dans un système de responsabilité, le rôle des IPCB est essentiellement ex post, en enquêtant sur les plaintes contre la police. Même si les processus de traitement des plaintes des IPCB varient en fonction de leurs mandats et pouvoirs précis, les plaintes sont généralement traitées de la façon suivante :

  • L’IPCB reçoit la plainte directement du plaignant ou par l’intermédiaire du service de police correspondant.
  • Si la plainte relève du mandat de l’IPBC et si les éléments sont suffisants pour lancer une enquête, l’IPCB lance le processus d’enquête.
  • En fonction de son mandat et de ses pouvoirs, l’IPCB mène l’enquête de façon indépendante ou supervise et coopère avec le service de police pour enquêter sur la plainte.
  • Une fois l’enquête terminée, les résultats sont envoyés au service de police (pour les plaintes disciplinaires) ou au procureur général (pour les plaintes portant sur des infractions pénales). Le principal avertissement en termes de responsabilité réside dans le fait qu’après une enquête indépendante menée par l’IPCB et établissant des motifs de sanctions disciplinaires et pénales, il serait très difficile pour le service de police ou le parquet d’ignorer complètement les résultats de l’enquête de l’IPCB, d’étouffer l’affaire et de ne pas prendre de mesures disciplinaires ou de ne pas entamer de poursuites.
  • Certains IPCB servent aussi d’organe d’appel, dans les cas où le plaignant et/ou l’agent de police accusé ne serait pas satisfait du résultat de l’enquête disciplinaire ou de la sanction imposée.
  • Les IPCB publient les résultats de l’enquête (souvent une version rédigée et plus concise afin de protéger les droits du suspect et de la victime) sur leur site internet et formulent des recommandations aux services de police et autres organismes d’état afin d’empêcher à l’avenir de telles fautes ou infractions de la part de la police (Schierkolk, 2017).

Outre la procédure de traitement des plaintes susmentionnée, certains IPCB sont mandatés pour procéder à un contrôle régulier et/ou procéder d’office à des examens thématiques des politiques de maintien de l’ordre controversées sans dépôt de plainte.

Exemples d’IPCB selon les pays

Le Médiateur de la police d’Irlande du Nord et l’Autorité indépendante chargée d’enquêter sur les plaintes visant la police sont deux exemples d’IPCB disposant d’un large mandat et enquêtant sur toutes les plaintes pénales et disciplinaires contre la police. L’Independent Office for Police Conduct in England and Wales (Commission indépendante chargée des plaintes pour l’Angleterre et le Pays de Galles), l’Independent Police Conduct Authority in New Zealand (Autorité indépendante de surveillance de la police en Nouvelle-Zélande) et la Law Enforcement Conduct Commission in Australia (Commission indépendante pour l’intégrité de la police en Australie) sont des IPCB qui disposent d’un mandat limité et qui enquêtent uniquement sur les crimes et les fautes les plus graves. Outre les exemples ci-dessus, plusieurs IPCB du monde entier disposent de pouvoirs d’enquête complets ou quasi-complets. C’est le cas de la Commission d’enquête indépendante de la Jamaïque (INDECOM), de l’IPID sud-africaine et de la Commission intégrité de l’Agence malaisienne de l’application des lois en Malaisie. L’IPCB danois dispose de pouvoirs exceptionnels pour prendre des décisions sur les enquêtes disciplinaires et sa décision est définitive. La plupart des autres IPCB respectent la procédure normale de présentation des rapports d’enquête à la police ou au parquet à des fins de sanctions disciplinaires ou de poursuites.

Alors que la mise en place d’IPCB est de plus en plus recommandée par la communauté internationale, leurs capacités seraient fortement compromises s’ils n’étaient pas véritablement indépendants de la police et du pouvoir exécutif, sans mandat réaliste ni pouvoirs d’enquête appropriés, et sans les ressources financières et humaines pertinentes. Un IPCB inutile, qui susciterait des attentes de la part du public en matière de responsabilité de la police mais ne pourrait pas fonctionner efficacement dans la pratique, ferait plus de dégâts que si l’institution n’existait pas.

Il est également important de noter que les IPCB ne sont pas les seules institutions de contrôle indépendantes dans un système de responsabilité de la police. Les institutions de médiation, les institutions nationales de défense des droits de l’homme, les commissions de lutte contre la corruption, les organismes indépendants de vérification sont autant d’organes indépendants de la police et du pouvoir exécutif. Ces institutions présentent souvent des rapports au Parlement et surveillent plusieurs aspects de l’application de la loi selon leurs mandats et leurs pouvoirs.

2.6 Contrôle par la société civile et les médias

La société civile et les médias jouent un rôle secondaire mais essentiel dans le système de responsabilité de la police. Leurs fonctions de contrôle sont plus indirectes que celles du pouvoir judiciaire, du parlement et des mécanismes de contrôle indépendants parce qu’ils ne disposent pas de mandat formel pour autoriser, superviser ou enquêter sur les actions policières. Néanmoins, la société civile et les médias font office de « gardiens » et rapprochent la responsabilité de la police de l’opinion publique.

Société civile

Les organisations de la société civile contribuent à la responsabilité de la police de différentes façons durant les trois étapes du contrôle :

Contrôle ex ante

Contrôle permanent

Contrôle ex post

Dans les pays où il existe une culture établie d’élaboration des politiques inclusive et participative, les groupes de travail ministériels et les commissions parlementaires invitent formellement les ONG spécialisées dans le maintien de l’ordre pour leurs apports et leurs contributions aux premiers stades de définition des politiques et de rédaction des textes de lois.

Dans ce contexte, les ONG peuvent influencer le développement de politiques et de lois qui permettraient de mettre en place des procédures respectueuses des droits de l’homme mais aussi un dispositif d'application du principe de responsabilité.

Les ONG contrôlent régulièrement la police au moyen de sources ouvertes. Elles recueillent et analysent des données qui portent sur une variété de pratiques policières, sur la perception qu’a le public de la police, sur les plaintes déposées contre la police et sur leurs résultats. Les ONG divulguent ces informations au grand public sous des formes diverses : par le biais de documents d’orientation, de conférences et de campagnes de sensibilisation visant à placer les principaux problèmes et difficultés liés à la responsabilité de la police au cœur du débat.

Alors que les ONG ne peuvent pas répondre elles-mêmes à ces questions, elles peuvent demander l’intervention des acteurs du contrôle et leur coopération dans le cadre des enquêtes.

Suite à un scandale impliquant des exactions policières ou lorsque les parlements adoptent des lois qui donnent des compétences générales exclusives à la police, les ONG prennent l’initiative de lancer des poursuites pour contester les lois ou pratiques problématiques des services de police (EU FRA, 2017, p. 69).

 

 

Exemples de contrôle par la société civile

  • En 2016, le Royaume-Uni a introduit une loi très controversée régissant les pouvoirs d’enquête, qui accordait aux services de police et de renseignement des pouvoirs d’accès, de contrôle et de modification des dispositifs électroniques tels que les ordinateurs, les téléphones et les tablettes à une échelle industrielle, des pouvoirs de lecture de textes, messages en ligne et e-mails et des pouvoirs d’écoute des appels en masse, sans besoin de soupçon de participation à une activité criminelle. En réponse à cela, Liberty UK, une organisation leader en matière de défense des droits de l’homme a assigné le Gouvernement britannique devant la Cour suprême. La Cour a jugé illégale la loi régissant les pouvoirs d’enquête et obligé le Gouvernement à modifier la loi (Liberty UK, 2018).
  • Dans les Balkans occidentaux, les ONG dédiées au contrôle de l’intégrité de la police ont créé un réseau régional appelé « Point Pulse – Western Balkans Pulse for Police Integrity and Trust », dont le but est de contrôler l’intégrité de la police au sein des forces de l’ordre, et de défendre des changements de politiques pour lutter contre la corruption de la police. Des ONG membres de ce réseau contrôlent régulièrement l’intégrité de la police dans leurs pays respectifs, réalisent des sondages auprès du public concernant la confiance dans la police et émettent des recommandations pour des changements de politiques. La plateforme régionale publie les recherches, les résultats et d’autres conclusions d’ONG issues de sept pays différents. Les activités communes des ONG membres permettent d’échanger des expériences et des enseignements tirés par les différents pays et d’analyser les tendances régionales sur la police (Point Pulse, pas de date).
 

Les médias

Les activités de la police et le travail essentiel des acteurs du contrôle susmentionnés seraient mal connues du grand public sans la présence des médias. Le rôle des médias dans la responsabilité de la police va toutefois bien au-delà des simples comptes-rendus. Les médias participent à la responsabilité de la police :

  • En accédant aux dossiers gouvernementaux et judiciaires et en publiant des informations sur les réglementations et politiques en matière d’application de la loi, mais aussi des statistiques sur les activités policières, encourageant ainsi la transparence ;
  • En couvrant les auditions parlementaires et les audiences des tribunaux dans le cadre d’affaires impliquant des agents de police, en informant le grand public des mécanismes de responsabilité ;
  • En coopérant avec les organisations de la société civile, des institutions de médiation et d’autres acteurs de contrôle pour mener des campagnes de sensibilisation aux conséquences du maintien de l’ordre sur le plan des droits de l’homme ; et
  • En organisant un journalisme d’investigation dans le but de dévoiler des cas de violation des droits de l’homme, de fautes et de corruption au sein de la police (Friedrich, Masson et MC Andrew, 2012, p. 36).

La dernière fonction est particulièrement cruciale pour faire la lumière sur les exactions policières et les problèmes systémiques de gouvernance de la police, et pour ouvrir le débat public sur ces questions.

Les fonctions répertoriées ci-dessus peuvent être considérées comme des rôles traditionnels des médias conventionnels dans le contrôle de la police. Le développement des réseaux sociaux a toutefois apporté une nouvelle dimension au débat sur les médias et la responsabilité de la police. L’utilisation généralisée des plateformes de réseaux sociaux et le partage de vidéos sur les exactions policières (enregistrées par des badauds, des témoins voire des victimes ou issues des caméras de vidéosurveillance) attirent l’attention du public sur un incident en quelques instants. L’incident est alors repris par les médias conventionnels mais aussi par les organes de contrôle et les organismes chargés de recueillir les plaintes. Prenons l’exemple de Walter Scott, un homme non armé qui fuyait la police aux États-Unis et qui a été abattu par un agent de police. Ce dernier a ensuite placé une arme sur le corps de la victime avant d’indiquer à ses collègues par radio que l’homme avait tenté de lui prendre son arme. L’incident avait cependant été entièrement filmé par un passant puis posté sur les réseaux sociaux. Après diffusion de la vidéo, le service de police a arrêté l’agent de police, a soutenu sa mise en examen et l’a licencié. L’agent a ensuite été condamné à 20 ans de prison (Zuckerman, 2016 ; Blinder, 2017). Cet exemple illustre le potentiel des réseaux sociaux et des autres formes de médias pour assurer la mise en œuvre de mesures appropriées.

Débats clés : considérations éthiques et légales au sujet de la couverture des exactions policières par les médias

Certains risques et considérations éthiques sont associés aux enquêtes et rapports sur les actions et potentiels abus de la police réalisés par les médias. Premièrement, après un incident, lorsque des enquêtes internes et externes sont en cours, la couverture médiatique doit veiller à ne pas violer la présomption d’innocence concernant l’agent accusé. Deuxièmement, le signalement d’un incident peut comporter un risque de violation de la vie privée de la victime et de ses proches. Compte tenu de la forte capacité des médias à influencer l’opinion publique, ces sujets soulèvent des questions concernant le besoin de développer des règles éthiques pour encadrer les enquêtes et les signalements d’incidents impliquant la police. Le module 10 sur l’intégrité et l’éthique des médias de la série de modules universitaires E4J sur l’intégrité et l’éthique fournit plus d’informations sur les médias et l’éthique dans des termes plus généraux.

Au-delà des considérations éthiques, des journalistes et organisations de médias du monde entier font face à certaines difficultés pour contrôler la police. Les lois restreignant l’accès aux informations et pénalisant l’activité journalistique font partie des principaux obstacles légaux. La plupart des pays disposent de lois sur la classification des informations afin de protéger les intérêts nationaux en matière de sécurité. Cependant, si ces lois ne sont pas conformes aux normes internationales, les gouvernements et leurs organismes peuvent avoir tendance à surclasser les informations ou à imposer d’autres barrières inutiles, compromettant ainsi le rôle des médias. Les médias peuvent hésiter à s’engager dans un journalisme d’investigation dans des affaires liées à la police lorsque les lois et pratiques pénalisant la publication d’informations divulguées et lorsque les journalistes sont contraints de révéler leurs sources confidentielles ou ne bénéficient pas de protections contre une surveillance intrusive.

Exemples de contrôle par les médias

L’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) (Projet d’établissement de rapports sur la corruption et le crime organisé) est une plateforme de rapports d’enquêtes constituée de 40 centres d’investigation à but non lucratif, de nombreux journalistes et de plusieurs organisations de presse régionales du monde entier. Le réseau couvre l’Europe, l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine. Fondé en 2006, il mène depuis des reportages d'investigation transnationaux et encourage des approches axées sur la technologie pour dénoncer la criminalité organisée et la corruption partout dans le monde. En Serbie par exemple, cinq chefs de la police, notamment le responsable de la police criminelle, ont été démis de leurs fonctions après que leurs liens avec un baron de la drogue aient été révélés par des enquêtes conjointes menées par des médias locaux serbes et l’OCCPR (Dojčinovic and Jovanović, 2014).

Exemple de la méthode du vengeur masqué : Anas Aremeyaw Anas

Il s’agit d’un journaliste d’investigation originaire du Ghana dont beaucoup ignorent l’identité et qui utilise comme méthode d’action les enquêtes en caméra cachée. Le résultat de ses investigations est ensuite retransmis sur les médias. « En 1999, je tenais ma première grosse histoire, celle de policiers qui acceptaient de l’argent des vendeurs ambulants. Comme tout le monde savait que ces pratiques existaient, je me suis dit qu’il fallait que je traite le sujet d’une manière différente pour qu’il ait le plus d’impact possible. J’ai donc décidé de me faire passer pour un vendeur », raconte-t-il (Duhem, 2019).

2.7 Contrôle par des acteurs internationaux et régionaux

Certains acteurs internationaux jouent aussi un rôle dans la promotion de la responsabilité de la police au niveau national. En plus des décisions prises par certains tribunaux régionaux (tels que la Cour européenne des droits de l’homme ou la Cour interaméricaine des droits de l’homme), qui ont un effet contraignant, la plupart des acteurs internationaux n’ont pas de mandat pour influencer directement les lois, les politiques et les pratiques. Néanmoins, les organes de surveillance des traités des Nations Unies et les rapporteurs spéciaux jouent un rôle important pour encourager la responsabilité de la police grâce à la définition de normes, à des visites officielles dans les pays (en particulier l’inspection des établissements pénitentiaires), à des mécanismes individuels de dépôt de plaintes et d’actions urgentes, et pour soutenir les capacités des acteurs de contrôle locaux (concernant par exemple le respect des enfants en conflit avec la loi, Van Keirsbilck and Grandfils, 2017).

Le rôle de la Cour pénale internationale (CPI) mérite aussi d’être mis en évidence dans cette section. En effet, lorsque certaines conditions sont remplies, la CPI peut être saisie pour violations graves des droits de l’homme notamment lorsqu’elles sont commises par les forces de police et de sécurité. La CPI reçoit des plaintes et le Procureur conduit des enquêtes sur les violences policières présumées.

Concernant le contrôle par des organes régionaux, on peut citer notamment la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples qui, dans sa mission de promotion et de protection des droits de l’homme, interpelle les Etats parties sur la responsabilité qui incombe à leurs forces de police de respecter les droits de l’homme dans l’accomplissement de leur devoir. A cet égard, elle a notamment affirmé dans sa Résolution sur la police et les droits de l’homme en Afrique (CADHP/Res.259 (LIV) 2013).

« Reconnaissant le rôle central que joue la police dans le maintien de l’ordre et l’application de la loi, la promotion de la sécurité des citoyens et le respect des droits de l’homme ; […]

Préoccupée par le fait que l’efficacité de l’action policière en Afrique est entravée par plusieurs facteurs, notamment […] la corruption ;

Préoccupée en outre de ce que cette situation a conduit au non-respect, par la police, des normes de base en matière de droits de l’homme dans l’exercice de ses fonctions, notamment le recours à la force excessive et disproportionnée, les exécutions extrajudiciaires et sommaires, les arrestations arbitraires et illégales, la torture et les mauvais traitements ; […]

Appelle les Etats parties à la Charte africaine à assurer que, dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, la police respecte pleinement les droits de l’homme et l’État de droit ».

Cette section a fourni un aperçu des acteurs et mécanismes de contrôle permettant de garantir la responsabilité de la police. Il ne fait aucun doute que ces mécanismes peuvent fonctionner plus efficacement dans des sociétés démocratiques, où il existe une culture établie de la transparence et de la responsabilité, une tradition d’élaboration de politiques participative et inclusive, des dispositions constitutionnelles de protection des droits de l’homme, un cadre légal et institutionnel robuste définissant le rôle, les pouvoirs et les attributions des acteurs du contrôle, et des ressources pour que les acteurs du contrôle puissent exercer leurs fonctions de manière efficace. Aucun pays ne possède toutefois toutes les fonctions susmentionnées et nulle part les acteurs et mécanismes de contrôle ne fonctionnent parfaitement. C’est la raison pour laquelle la section a abordé les difficultés rencontrées par chaque acteur de contrôle.

Différentes sociétés dans le monde continuent de subir les effets de régimes où la corruption est massive, où l’État de droit est en péril et où la volonté politique, les capacités institutionnelles, l’expertise et les ressources ne suffisent pas à obliger la police à répondre de ses actes. Cela ne signifie cependant pas que le droit international des droits de l’homme, les normes de responsabilité et les exemples de bonnes pratiques dans le monde ne pourraient pas s’appliquer dans ces contextes. Au contraire, dans ces situations, il est crucial de promouvoir les normes régionales et internationales, d’expliquer comment les pays en transition vers la démocratie dans d’autres parties du monde ont réformé leurs structures de responsabilité et ont établi des mécanismes de contrôle de la police, et d’inviter les étudiants à discuter des conditions préalables pour que ces acteurs de contrôle soient efficaces dans leurs propres pays. Ce faisant, il convient aussi de souligner le fait qu’aucun pays n’a créé de « mécanismes de responsabilité, d’intégrité et de contrôle de la police efficaces » du jour au lendemain, et que la police évolue et continuera d’évoluer à l’avenir du fait des nouveaux développements sociopolitiques et en matière de sécurité. Les mécanismes et acteurs du contrôle de la police doivent donc être examinés et évalués.

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