Ce module est une ressource pour les enseignants   

 

Thème no.  4. Accès à l'assistance juridique pour les personnes ayant des besoins particuliers

 

Les Principes et lignes directrices sur l’assistance juridique (Principe 10 sur l'équité dans l'accès à l'assistance juridique) prévoient que des mesures spéciales doivent être prises pour assurer « pour que l’assistance juridique soit réellement accessible aux femmes, aux enfants et aux groupes ayant des besoins particuliers, notamment, mais non exclusivement, les personnes âgées, les minorités, les personnes handicapées, les malades mentaux, les personnes atteintes du VIH ou d’autres maladies contagieuses graves, les usagers de drogues, les populations autochtones, les apatrides, les demandeurs d’asile, les ressortissants étrangers, les migrants et les travailleurs migrants, les réfugiés et les personnes déplacées. Ces mesures doivent tenir compte des besoins particuliers de ces groupes et doivent être adaptées au sexe et à l’âge. » Ce Principe est développé plus en détail dans la Ligne directrice 11 sur les services d’assistance juridique à l’échelle nationale, paragraphes 57 et 58 ; la Ligne directrice 9 sur la mise en œuvre du droit des femmes d’accéder à l'assistance juridique ainsi que le Principe 11 et la Ligne directrice 10 sur l’assistance juridique dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Il convient de noter que la Règle 25 des Règles de Bangkok (concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes) (Nations Unies, 2010) prévoit que les détenues victimes d'abus sexuels doivent bénéficier, entre autres, d'une assistance juridique (voir aussi le Module 9 - Le genre dans le système de justice pénale).

Il convient d’examiner sous plusieurs angles cette obligation de prendre des mesures spéciales pour assurer un réel accès à l'assistance juridique aux personnes appartenant à certains groupes. Au niveau de la législation et de la réglementation, dans certains pays, l’assistance juridique est obligatoire et / ou disponible sans condition relative aux moyens financiers ou au fond, pour les personnes appartenant à certains groupes mentionnés par le Principe 10. En termes d’efficacité de la prestation, la meilleure solution est peut-être à mettre en place des services d’assistance juridique spécialisés prenant en compte les besoins particuliers des personnes appartenant aux groupes concernés, par exemple en s’assurant que l’assistance juridique est assurée par des conseillers d’un genre plutôt que d’un autre,  (voir notamment Agence Française de Développement avec la Côte d’Ivoire, Projet de renforcement du système judiciaire et pénitentiaire et de la protection des droits, octobre 2014) ou d'un groupe ethnique particulier, ou la prestation d'une assistance juridique dans des lieux particuliers, tels que les prisons pour femmes. Les personnes qui fournissent des services d’assistance juridique à des personnes appartenant à ces groupes peuvent avoir besoin d’une formation spéciale pour pouvoir communiquer efficacement et reconnaître les besoins particuliers. 

En Côte d’Ivoire, en 2012, l’Opération des Nations Unie en Côte d’Ivoire (ONUCI) a assuré durant trois ans la prestation d’assistance juridique pour les populations les plus vulnérables dans le district d’Abidjan.

Dans l’arrêt Ivan v United Republic of Tanzania de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (application no. 025/2016) [2019] afchpr 3 (en anglais), les juges africains ont décidé que :

« L'article 7(1)(c) de la Charte ne prévoit pas expressément le droit à une assistance judiciaire gratuite. Toutefois, dans [une autre affaire] la Cour de céans a souligné que cet article, interprété à la lumière de l‘article 14(3)(d) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, prévoit l'assistance judiciaire gratuite pour toute personne accusée d'une infraction pénale grave, qui n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur et lorsque les intérêts de la justice l’exigent , notamment si la personne est  « indigente, si l'infraction est grave et lorsque la peine prévue par la loi est lourde » (voir aussi Matter of Alex Thomas v. The United  Republic of Tanzania, Union africaine, 2013).  

Bien que les besoins particuliers des personnes appartenant à tous les groupes identifiés ci-dessus soient importants, la section suivante se concentre sur les droits et les besoins spécifiques des femmes et des enfants.

 

Droits spécifiques des enfants

En ce qui concerne les enfants, la Convention internationale des droits de l'enfant (Nations Unies, 1989) dispose que tout enfant suspecté ou accusé d’infraction à la loi pénale  doit bénéficier d’une assistance juridique ou de toute autre assistance appropriée pour la préparation et la présentation de sa défense (article 40); et que tout enfant privé de liberté a le droit d’avoir rapidement accès à l’assistance juridique ou à toute autre assistance appropriée (article 37). les Principes et lignes directrices sur l’assistance juridique contiennent plusieurs dispositions relatives à une assistance juridique adaptée aux enfants, à savoir : Principe 3 (22), Principe 10 (32), Principe 11 et Principe 13 (37), ainsi que les Lignes directrices 1, 2, 3, 6, 10 et 11. 

Malgré cela, les enfants font face à de nombreuses difficultés dans les systèmes de justice pénale. Les enfants, dont beaucoup vivent dans la pauvreté, sont souvent victimes de violences, notamment de la part de responsables de la justice pénale. Les enfants en contact avec le système de justice pénale sont souvent traités comme s'ils étaient adultes, pourtant ils peuvent avoir des difficultés à communiquer et à faire valoir leurs droits et leurs besoins. À l'échelle mondiale, des milliers d'enfants sont détenus sans pouvoir consulter un avocat. L’étude de cas en classe de Sami, une fillette de 14 ans, illustre certains des problèmes particuliers rencontrés par les enfants en ce qui concerne les systèmes de justice pénale. Pour plus d'informations sur la justice pour les enfants, voir le Module 13 de cette série.

Dans certains pays, l’assistance juridique aux enfants est obligatoire. En Ukraine, les enfants ont droit à une assistance juridique secondaire gratuite dans certaines conditions, notamment lorsqu'ils sont orphelins, victimes ou à risque de violences familiales (Ukraine, Loi sur l'assistance juridique gratuite, 2011, article 14, paragraphe 1 (2)). En Inde, les femmes et les enfants font partie des personnes à qui des services juridiques doivent être fournis si elles ont besoin de lancer une procédure ou de se défendre (Legal Services Authorities Act, 1987, article 12 c)). Au sein de l'Union européenne, la  Directive relative à la mise en place de garanties procédurales en faveur des enfants qui sont des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales (2016/800/UE) exige des États membres qu'ils garantissent que les enfants suspects ou poursuivis dans une procédure pénale soient assistés d'un avocat dès leur interrogatoire par la police et tout au long de la procédure, et que la législation nationale en matière d'assistance judiciaire garantisse l'exercice effectif de ce droit (Union européenne, 2016, articles 6 et 18). La Directive exige également que les membres du personnel des autorités répressives et des centres de détention qui traitent d'affaires concernant des enfants reçoivent une formation spécifique, d'un niveau adapté aux contacts qu'ils ont avec les enfants,  (Union européenne, 2016, article 20). Selon l'étude globale sur l’assistance juridique, seuls 31% des expertes et experts nationaux ont déclaré que leur pays avait imposé aux prestataires d'assistance juridique de suivre une formation spécifique pour pouvoir représenter les enfants (ONUDC et PNUD, 2016, p. 117).

 

Droits spécifiques des femmes

Dans de nombreux pays, les femmes se heurtent à des obstacles structurels et culturels pour accéder à l'assistance juridique, ont une connaissance insuffisante de leurs droits, manquent de ressources pour s’informer sur leurs droits et se heurtent à des obstacles importants pour les exercer. Celles qui sont victimes de violence domestique sont parfois traitées comme des suspectes ou des accusées dans le cadre d'une procédure pénale, et celles qui ont été victimes de la traite des personnes sont parfois arrêtées ou placées en détention en étant soupçonnées d'avoir commis une infraction. Dans de nombreux pays, les femmes arrêtées ou détenues sont à risque de violences sexuelles ou autres de la part d'agents de l'État. Pour plus d'informations sur la violence à l'égard des femmes et les défis auxquels les femmes sont confrontées dans le système de justice pénale, voir les modules 9 et 10 de cette série. En outre, le Module 11 traite de la justice pour les victimes.

L’Étude globale sur l’assistance juridique a identifié certains des problèmes rencontrés par les femmes pour accéder à l’assistance juridique :

Interrogés sur les obstacles les plus importants rencontrés par les femmes pour accéder à l'assistance juridique, les expertes et experts nationaux ont identifié un large éventail de problèmes, dont certains sont plus marqués dans certaines régions que d'autres. Parmi les obstacles structurels, une grande proportion d’expertes et d’experts d’Europe orientale et d’Asie centrale (63%) et du WEOG [Groupe des États d’Europe occidentale et autres] (50%) notent que le manque de services d’assistance juridique spécialisés pour les femmes est un problème majeur. Parmi les problèmes soulevés par le manque d’information des femmes concernant les services d’assistance juridique, 82% des experts de la région Asie-Pacifique font observer que les femmes ne sont peut-être pas conscientes du fait que les services d’assistance juridique sont disponibles à faible coût faible, voire gratuitement, et 80% des experts du Moyen-Orient & Afrique du Nord affirment que les femmes ne savent souvent pas où trouver une assistance juridique. Enfin, parmi les obstacles liés à la culture et au genre, près des trois quarts (73%) des experts en Asie-Pacifique et 55% en Amérique latine et dans les Caraïbes soulignent qu'il est difficile pour les femmes de se confier et de partager des informations intimes sur une affaire avec des prestataires d’assistance juridique qui sont principalement des hommes. (ONUDC et PNUD, 2016, p. 78).

S’ajoutent aux dispositions des Principes et lignes directrices sur l’assistance juridique celles de la Règle 2 des Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok), qui prévoit qu’il faut accorder une attention suffisante à la procédure d’admission des femmes en détention et que les femmes détenues nouvellement arrivées devraient notamment pouvoir se mettre en contact avec leurs parents et avoir accès à des conseils juridiques. 

Le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes prévoit (art. 8) que les États 

« prennent toutes les mesures appropriées pour assurer :

a) l’accès effectif des femmes à l’assistance et aux services juridiques et judiciaires ;

b) l’appui aux initiatives locales, nationales, régionales et continentales visant à donner aux femmes l’accès à l’assistance et aux services judiciaires ;

c) la création de structures éducatives adéquates et d’autres structures appropriées en accordant une attention particulière aux femmes et en sensibilisant toutes les couches de la société aux droits de la femme ;

d) la formation des organes chargés de l’application de la loi à tous les niveaux pour qu’ils puissent interpréter et appliquer effectivement l’égalité des droits entre l’homme et la femme »

L'ONUDC et d'autres organisations ont produit des documents de référence utiles sur les problèmes particuliers rencontrés par les délinquantes (présumées) et les détenues, ainsi que sur les mécanismes employés pour y répondre :

 
Section suivante :  Thème no. 5. Modèles de gouvernance, d'administration et de financement de l'assistance juridique 
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