01 Décembre 2017 - Bien que de nombreuses personnes voient une peine d'emprisonnement comme l'enfermement d'un délinquant, la véritable justice ne peut se limiter à la punition. Elle s'étend plutôt à la réhabilitation des contrevenants, la réduction des risques de crimes futurs, et la construction d'une société plus pacifique et inclusive.
C'est pour cette raison que les standards internationaux stipulent que l'emprisonnement ne devrait pas être limité à une privation de liberté. Il devrait plutôt inclure des opportunités pour les détenus d'acquérir les connaissances et les aptitudes qui pourront les aider à réussir leur réintégration lors de leur remise en liberté, en vue d'éviter une récidive future. L' Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (les règles Nelson Mandela) appelle à la mise en place de programmes de réhabilitation dans les prisons pour favoriser la volonté et la capacité des détenus à mener des vies autonomes et respectueuses des lois, une fois libérés.
Mais comment peut-on réaliser cela?
En tant que gardien des règles Nelson Mandela, l'ONUDC a publié un nouveau manuel pour fournir une série d'étapes concrètes aux administrateurs pénitentiaires afin de les aider à développer des programmes de réhabilitation durables et de haute qualité qui répondent aux normes et aux standards internationaux.
Le nouveau manuel de l'ONUDC - Feuille de route pour le développement de programmes de réhabilitation en milieu carcéral - liste quatre raisons principales pour inciter les systèmes pénitentiaires à investir dans des programmes d'éducation, de formation et de travail pour les détenus:
Surtout, le manuel inclut des données empiriques issues d'études montrant l'efficacité de tels programmes. Une étude récente à grande échelle menée aux Etats-Unis a confirmé l'existence d'une corrélation claire entre la mise en place de programmes d'éducation et de formation professionnelle dans les prisons, et la réduction du récidivisme et l'amélioration des futures perspectives d'emploi. La probabilité que les détenus qui participent aux programmes d'éducation et de réhabilitation retournent en prison est 43% plus faible comparé à ceux qui n'y participent pas; leur taux d'emploi après la libération était 13 % plus élevé; et ils avaient 28 % de chances en plus d'être embauchés après leur libération de prison comparé à ceux qui n'ont pas reçu une telle formation.
Néanmoins, dans de nombreux systèmes pénitentiaires, la plupart des prisonniers n'ont toujours pas l'opportunité d'apprendre ou de travailler. Même dans de nombreux pays à haut revenu, les systèmes pénitentiaires éprouvent des difficultés pour fournir une éducation, une formation professionnelle ou un travail à l'échelle nécessaire pour que la population carcérale dans son ensemble puisse en bénéficier. Parmi les 640,000 personnes composant la population carcérale de l'Union Européenne, il y a une proportion significative d'individus peu qualifiés, et moins d'un quart des détenus participent à des programmes d'éducation et de formation, dans la plupart des pays de l'Union Européenne. Dans les pays à faible revenus, l'ampleur de l'implication des détenus dans des activités constructives est souvent bien plus petit.
Il y a, cependant, une reconnaissance grandissante de l'importance des programmes de réhabilitation dans les prisons et une volonté politique forte d'augmenter le nombre de ces programmes à travers le monde. Quand les Etats membres, les décideurs politiques et les experts se sont rassemblés lors du 13ème Congrès des Nations Unies sur la prévention du crime et la justice pénale à Doha au Qatar, en 2015, des discussions se sont tenues à propos des principales priorités d'action pour les cinq années à venir. La Déclaration de Doha résultant du Congrès sur le crime a réaffirmé l'engagement des Etats membres à mettre en oeuvre et optimiser des politiques pour les détenus qui se concentrent sur l'éducation, le travail, les soins médicaux, la réhabilitation, la réintégration sociale et la prévention du récidivisme.
La question est alors de savoir comment initier ces programmes de réhabilitation en milieu carcéral.
Bien que de nombreuses administrations pénitentiaires soient déterminées à proposer des programmes de réhabilitation aux détenus sous sa garde, elles se heurtent souvent à des obstacles communs concernant la mise en oeuvre, tels qu'un espace limité, des restrictions budgétaires touchant les ressources humaines et financières ainsi que le surpeuplement carcéral. Dans sa feuille de route, l'ONUDC rassemble les bonnes pratiques et les modèles organisationnels de différents pays, ce qui pourrait aider les administrations pénitentiaires à surmonter ces défis. Cela fournit également des listes de vérifications prêtes à l'usage sur les mesures adéquates à prendre lors de la planification pour amorcer le lancement de ces programmes d'éducation, de formation professionnelle et de travail dans les prisons.
Dans le cadre du Programme mondial pour la mise en oeuvre de la Déclaration de Doha - financé par l'Etat du Qatar - l'ONUDC s'emploie à prêter assistance aux Etats membres pour traduire en pratique les recommandations de la Feuille de route. L'importance de mener un tel travail est également appuyée par les propres récits d'individus qui ont vécu l'emprisonnement:
https://youtu.be/j9QfIPPDUygPar exemple, Derrick - un ancien détenu zambien innocenté - a récemment discuté avec l'ONUDC pour partager son expérience en prison: des infrastructures surpeuplées, un approvisionnement alimentaire insuffisant, et des normes faibles en matière de qualité de l'eau et d'assainissement, sont quelques unes des conditions difficiles qu'il a rencontré. En parallèle, le manque d'opportunités de réhabilitation telles que des formations techniques et des programmes d'éducation, conjugué avec l'absence de toute sorte de soutien après la libération et la forte stigmatisation liée au faite d'être un ancien détenu conduit à ce que la vie après la remise en liberté soit difficile, avec un taux élevé de récidivisme.
S'appuyant sur ce dont il a été témoin lorsqu'il était emprisonné, Derrick travaille à présent pour mettre en place une ONG afin d'aider d'autres personnes à briser le cycle du récidivisme en identifiant les besoins immédiats et à long-terme des anciens détenus et en leur apportant le soutien dont ils ont besoin pour réintégrer la société avec succès. Dans son interview, il présente une vision de premier plan pour expliquer pourquoi il est important de créer des programmes de réhabilitation en milieu carcéral, et l'impact positif et durable que de tels programmes ont sur les prisonniers, leurs familles et leurs communautés ainsi que sur la société en général.
Plus d'informations:
Feuille de route pour le développement de programmes de réhabilitation en milieu carcéral
Podcast de l'intégralité de l'interview de Derrick
Manuel d'introduction pour la Prévention de la Récidive et la Réinsertion Sociale des Délinquants