11 août 2011 - Plus d'un billion de dollars: c'est la quantité phénoménale d'argent qui a probablement été blanchie annuellement durant ces dernières années, a declaré Pierre Lapaque, Chef de section à l'ONUDC au sein du service chargé du crime organisé et du trafic illicite. D'après des chiffres du FMI en 1998, ceci représenterait environ deux à cinq pour cent du PNB mondial estimation qui reste certainement valide aujourd'hui.
"On ne peut pas différencier l'argent de la drogue et l'argent du crime, c'est de l'argent sale", explique M. Lapaque, ajoutant: "C'est un flux important, on n'est plus au milliard près ! Pour parler de façon imagée, il faut identifier dans quel ruisseau passent les flux illicites avant d'aller se jeter dans le fleuve de l'ensemble des flux financiers mondiaux. C'est là toute la difficulté d'une telle évaluation."
Une fois que l'argent du crime pénètre dans le circuit économique et financier il est beaucoup plus difficile de discerner son origine frauduleuse. Malgré tout ce qui est mis en place pour lutter contre le blanchiment d'argent et le crime - des procédures de contrôle préventif et de connaissance du client aux formations policières et douanières, et la mise en place de système de détection - il y aura toujours du blanchiment d'argent sale. "Tout ce qu'on peut faire, c'est réduire le flux et de s'attaquer à cette problématique le plus en amont possible pour différencier le licite de l'illicite", souligne M. Lapaque.
Le Groupe d'Action financière (GAFI), organisme intergouvernemental visant à développer et promouvoir des politiques nationales et internationales afin de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, ainsi que d'autres organisations sérieuses se sont déjà essayés à évaluer l'ampleur du crime organisé national et transnational et les pourcentages de fonds blanchis qui transitent par le système financier internationale. Aucune estimation n'a aboutie à des chiffres internationalement acceptés car elle repose sur des données imprécises ou manquantes.
Concernant la polémique où les banques auraient été moins regardantes sur l'argent rentrant lors de la crise financière en 2008, M. Lapaque se veut très clair: "Il y a un grand nombre de filtres, de gardes fou, de systèmes d'autocontrôles, sans oublier qu'une institution bancaire ne peut se permettre pour sa réputation nationale et internationale d'être liée à des opérations criminelles. De plus quand un état ou une institution financière a un doute sur une importante somme d'argent entrant sur son territoire, il demande au gouvernement ou à l'institution d'origine des informations de procéder à des vérifications - si cela n'as pas déjà été fait - et ensuite il mène à son tour sa propre enquête. Les systèmes s'auto verrouillent relativement bien, même s'ils ne pourront jamais être totalement efficaces."
Les techniques utilisées par les blanchisseurs sont à la pointe de la technologie, ce qui rend la lutte plus difficile et oblige les autorités gouvernementales à effectuer une évaluation constante des risques. Mais M. Lapaque se montre positif, "Sur le long terme, les groupes criminels importent peu, ce qui compte c'est de s'attaquer aux marchés criminels pour les rendre économiquement moins attractifs. Se concentrer uniquement sur le côté répressif n'est qu'une solution à court terme. Les criminels arrêtés et condamnés seront immédiatement remplacés par d'autres tant que l'activité criminelle restera lucrative." Pour des résultats sur le long terme, il faut une stratégie à la fois préventive et de contrôle afin d'influer sur le marché de la drogue, de la traite des personnes et autres activités mafieuses, ainsi que de la corruption. C'est la stratégie que l'ONUDC met en œuvre, en partenariat avec la communauté internationale et notamment les institutions financières internationales.
Entretien avec Pierre Lapaque - Radio des Nations Unies (espagnol)