Procès simulé au tribunal de Grand Bassam, Côte d’Ivoire

© UNODC/GMCP

Deux navires pirates ayant à leur bord dix individus ont attaqué un navire pétrolier battant pavillon libérien en haute mer. L’intervention du patrouilleur SEKONGO de la marine nationale ivoirienne met en déroute les assaillants qui, dans leur fuite laissent deux de leurs complices à bord du pétrolier. En tout donc, huit suspects s’échappent en enlevant malheureusement 15 membres de l’équipage de différentes nationalités autres qu’ivoiriennes et en faisant un mort et deux blessés légers, ces trois derniers étant restés sur le navire.

C’est le récit des faits du scénario ayant conduit à la tenue du procès simulé au Tribunal de Grand Bassam en Côte d’Ivoire, du 3 au 6 mai 2021. Il est organisé par l’ONUDC en partenariat avec le Secrétariat permanent du comité interministériel de l’action de l’Etat en mer (SEPCIM) de la République de Côte d’Ivoire et INTERPOL, avec le financement du Bureau des affaires internationales de stupéfiants et de répression du Département d’État des Etats-Unis (US INL).

Ce procès simulé qui s’est tenu sur quatre jours était destiné aux magistrats, procureurs et autres acteurs de l’action de l’Etat en mer. L’ambition était de familiariser les acteurs avec le droit applicable et de pouvoir identifier les aspects de ce droit qui gagneraient à être réformés. Ainsi, il a été recommandé de réviser la définition de la piraterie et de préciser la compétence universelle en la matière telles qu’elles découlent des articles 1008 et suivants du Code maritime, ainsi que des provisions pertinentes du Code pénal et du Code de procédure pénale du pays.

Le golfe de Guinée est un espace maritime de plus en plus en proie à l’insécurité maritime. La piraterie maritime et les vols à main armée à l’encontre des navires menacent la sûreté maritime des États côtiers de la région, notamment la Côte d’Ivoire, qui depuis 2012 enregistre plusieurs cas d’actes de piraterie et de vols à main armée.

Selon les statistiques de l’Organisation Maritime Internationale (OMI), la région du golfe de Guinée a enregistré un total de 82 incidents maritimes dans la période de janvier à décembre 2020 faisant ainsi de ce secteur, la zone maritime la plus dangereuse du monde notamment du fait du nombre d’enlèvements contre rançons des marins. Malheureusement, l’analyse des cadres juridiques nationaux de la plupart des pays du golfe de Guinée eu égard aux exigences du droit international, révèle que le droit national, y compris en Côte d’Ivoire, reste inadapté pour une lutte efficace contre la criminalité maritime.

Pour endiguer ce phénomène, le Programme Global de Lutte contre la Criminalité Maritime (GMCP) de l’ONUDC a soutenu des initiatives allant des réformes juridiques au renforcement des capacités de la Côte d’Ivoire. Le procès simulé de Grand Bassam s’inscrit dans ce cadre.

Ce procès simulé a mis en évidence les insuffisances de la législation ivoirienne en matière d’ actes de piraterie maritime. L’acquittement des deux prévenus à l’issue du procès en est une parfaite illustration. Les avocats des deux suspects ont pu profiter de l’incohérence du Code maritime de la Côte d’ivoire en matière de répression de la piraterie maritime, et de la qualité insuffisante de la preuve recueillie sur la scène de crime par la police scientifique.

Cette décision majeure met en lumière les insuffisances du cadre juridique ivoirien sur la définition de la piraterie et les ambiguïtés sur la compétence universelle pour traduire les prévenus de nationalité étrangère dans les cas d’actes de piraterie commis en haute mer.

A l’issue du procès fictif, le GMCP de l’ONUDC a fait part de sa disponibilité à assister la Côte d’Ivoire dans son engagement contre la criminalité maritime dans le golfe de Guinée et a identifié trois domaines en réponse aux recommandations qui y ont été émises :

  • L’accompagnement des acteurs pour la réforme juridique nécessaire pour lutter efficacement contre la piraterie maritime ;
  • Le renforcement des capacités des acteurs de l’action de l’Etat en mer selon les besoins ; et
  • L’assistance pour la rédaction des procédures opérationnelles harmonisées en matière de collecte et de sauvegarde de la chaine de preuve dans des cas de criminalité maritime.

Le dialogue entre le GMCP de l’ONUDC et la Côte d’Ivoire va donc se poursuivre avec les mêmes soutiens et d’autres éventuellement, dans l’optique d’un cadre juridique plus performant et d’une baisse de la criminalité maritime dans le golfe de Guinée.