En Albanie, les citoyens passent à l’action
Arbjan Mazniku est directeur adjoint de Mjaft!, organisation non gouvernementale albanaise qui a remporté, l’an dernier, le Prix pour la société civile décerné par l’Office des Nations Unies à Vienne. “Mjaft!” est en albanais l’un des mots les plus expressifs pour dire “Ça suffit!”.
Quel était l’élément qui a cristallisé la création de Mjaft!?
Il n’y a pas, en Albanie, de débat public ouvert et franc sur les questions liées aux problèmes politiques, économiques et sociaux. Le moment est venu pour les citoyens de ce pays de dire “Ça suffit!” face à la corruption, à la pauvreté et à l’ignorance; “Ça suffit!” face à la violence, au trafic, à la pollution et à des politiques dévalorisées et inadaptées; “Ça suffit!” face à la dégradation des systèmes de santé et d’éducation.
Initialement, Mjaft! ne devait pas être autre chose: un mot expressif au centre d’une campagne de sensibilisation de quatre mois axée sur environ 3 millions d’Albanais vivant dans le pays ou à l’étranger. La campagne Mjaft! s’est révélée être la campagne de sensibilisation et de plaidoyer la plus vaste et la plus réussie jamais vue en Albanie, et Mjaft! n’est plus vraiment une campagne mais plutôt un mouvement.
Existe-t-il un domaine spécifique sur lequel Mjaft! met plus particulièrement l’accent?
Mjaft! met l’accent sur la participation civique et l’activisme. Nous sommes convaincus en effet que la participation des citoyens à la vie politique du pays ne doit pas se limiter à déposer un bulletin dans l’urne une fois tous les quatre ans.
Nous essayons de faire participer davantage les citoyens au processus de prise de décisions, et pas seulement pendant les campagnes électorales. Un exemple en est la campagne qui se tient chaque année sur le thème “Ici, c’est moi qui décide”. Cette campagne revêt la forme d’une caravane d’autocars qui transportent des jeunes venus des quatre coins de l’Albanie vers de nombreuses régions du pays.
Les jeunes organisent des débats publics entre les candidats et le public pendant les campagnes électorales, ainsi qu’entre les membres du Parlement et les maires locaux et le public les années où il n’y a pas de scrutin. Ainsi, les citoyens s’impliquent activement pour veiller à ce que les hommes politiques n’abusent pas de leur pouvoir et que leurs impôts soient utilisés judicieusement.
Comment Mjaft! a-t-elle attiré l’attention sur des problèmes comme la traite de personnes et la corruption?
Deux des modules de la campagne Mjaft! étaient “La traite de personnes, ça suffit!” et “La corruption, ça suffit!”. Mjaft! considère ces phénomènes comme une plaie de la société albanaise. Un exemple extraordinaire de la lutte dans laquelle Mjaft! s’est engagé pour éliminer ces aspects de l’héritage albanais est le vaste mouvement de protestation qu’elle a organisé après la tragédie du 9 janvier 2004, lorsqu’un grand nombre d’Albanais innocents ont perdu la vie en cherchant à émigrer illégalement en Italie.